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[Lu ailleurs] Que peut faire l’Europe contre l’illibéralisme ? – Jacques Toubon

[Lu ailleurs] Que peut faire l’Europe contre l’illibéralisme ? – Jacques Toubon

Dans Ouest-France, Jacques Toubon revient sur le recul des libertés publiques dans le monde depuis quelques décennies. Pas fataliste, l’ancien ministre et Défenseur des droits voit dans le projet européen un moyen pour lutter contre les idéologies liberticides. 

 

Pour Jacques Toubon, le recul des libertés publiques débute avec les attentats du 11 septembre 2001 lorsque les Américains ont le choix de privilégier la sécurité au détriment de la liberté en adoptant le « Patriot Act ». Cependant, se remémorant les premières lois antiterroristes de 1986 et  l’attentat survenu dans le RER B en 1995 alors qu’il était Garde des Sceaux, Jacques Toubon rappelle que le choix de la sécurité préventive sur les libertés publiques n’est pas la seule option. Ainsi, le législateur français avait « veillé à ne pas créer un cadre d’exception » en maintenant la nouvelle juridiction contre le terrorisme qui avait été créée dans les principes de la procédure pénale.

« Nous avons franchi le pas avec nos états d’urgence antiterroriste, puis sanitaire, oui. Une de mes grandes préoccupations est de voir que la loi du 31 octobre 2017 sur la Sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme – la fameuse loi « Silt » – a traduit dans le droit commun quatre dispositions de l’état d’exception. En les accommodant avec des règles de procédure, certes, dont l’intervention d’un juge, mais tout de même. Le droit pénal n’est pas fait pour prévenir. On ne peut pas incriminer avant que l’infraction ne soit commise. »

S’il ne peut admettre le qualificatif de « dictature sanitaire », estimant que l’état d’urgence a été promulgué dans le respect du droit, de la Constitution et des institutions, il craint que les états d’urgences qui se succèdent – état d’urgence terroriste puis sanitaire – n’aient ouvert une boîte de Pandore liberticide.

À cela, s’ajoute la prolifération intercontinentale des idéologies identitaires. Qu’ont en commun Jaïr Bolsonaro, Viktor Orban ou Éric Zemmour ? De prospérer sur une idéologie antilibérale qui, outre ses aspérités biens connues – xénophobie, racisme -, sacrifie les libertés au nom de la sécurité, le tout dans une parfaite dérive autocratique du pouvoir.

« La Hongrie ou la Pologne sont parvenues à installer des systèmes qui bafouent le droit et les libertés en s’appuyant sur le suffrage universel. Forts des majorités qu’ils obtiennent aux élections, leurs dirigeants tiennent leurs valeurs identitaires pour supérieures aux valeurs universelles des grands textes de l’Union Européenne. On parle de «  démocratie illibérale  » à leur propos, mais la formule « autocratie élective » me paraît meilleure. »

Jacques Toubon voit dans l’Union Européenne le bon échelon pour endiguer cette peste antilibérale. Il rappelle que « depuis le 1er janvier 2022, un pays qui refuse de respecter les valeurs de l’Union européenne peut se voir priver de financements ». S’il est impossible de se réjouir d’une crise meurtrière, l’ancien Défenseur des droits estime que le conflit ukrainien a le mérite de sortir l’Europe de son apathie. Pour triompher des idéologies illibérales, l’Europe doit diffuser une culture humaniste et libérale. À ce titre, Jacques Toubon rêve d’un sorte d’Erasmus de la culture et de l’éducation qui concernerait tous les élèves de l’Union dès le collège. Chaque année serait marquée du sceau d’un artiste européen, figure de ces nobles valeurs à défendre, pourquoi pas l’année Érasme, Shakespeare, Goethe, Dante ou encore Tchekhov ?


Pour retrouver l’entretien dans Ouest-France, cliquer ICI.

 

Publié le 02/05/2022.

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