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Free Speech & Journalism avec Peter Greste et Anne Nivat

Free Speech & Journalism avec Peter Greste et Anne Nivat

Mercredi 14 novembre, notre think-tank a organisé une conférence avec l’association Think Libéral à SciencePo sur la liberté de la presse. Découvrez ici le compte-rendu de cette rencontre entre Peter Greste, grand reporter et auteur de « Voyage d’un reporter au pays de la censure », et Anne Nivat, grand reporter et auteur de l’ouvrage « Un continent derrière Poutine ». Un événement animé par Gaspard Koenig.

C’est en passant du temps dans un pays, lors d’une investigation sur le terrain, que l’on comprend les limites à ne pas franchir, les informations qui peuvent être divulguées et celles qui peuvent mener à la prison.

Si Peter Greste est un spécialiste de l’Afrique subsaharienne, il connaissait peu l’Egypte. A l’époque en 2013, les Frères musulmans avait été écartés du pouvoir par l’armée. Pour les sympathisants, c’était un coup d’Etat ; pour les opposants, l’armée ne faisait que respecter la volonté des citoyens. Néanmoins, les détracteurs du nouveau gouvernement et les soutiens des Frères musulmans étaient emprisonnés par centaines. Dans ce contexte, Greste, envoyé par Al Jazeera, devait remplacer un collègue pour un mois. Deux semaines après son arrivée, il était arrêté un soir sans explication.

L’arrestation de Greste était symbolique, c’était un message envoyé aux autres journalistes. Parlez aux Frères musulmans, et vous serez arrêtés.

Lors de son procès quelques mois plus tard, on l’accuse d’être coupable d’activité terroriste, d’être membre d’une organisation terroriste et de répandre des « fake news » pour déstabiliser le régime égyptien. Présentation des preuves, on ouvre son ordinateur, et retentit alors la musique qu’il écoutait lors de son arrestation. Les autorités n’avaient même pas pris la peine de l’ouvrir : trouver des preuves viables pour justifier les chefs d’accusation importait peu. L’arrestation de Greste était symbolique, c’était un message envoyé aux autres journalistes. Parlez aux Frères musulmans, et vous serez arrêtés. Il fut finalement détenu pendant 400 jours avant d’être libéré. Ses collègues égyptiens, arrêtés en même temps, furent relâchés peu après.

Lorsque Manuel Valls a dit après l’attentat du Bataclan que « comprendre, c’est pardonner», il réfutait l’un des principes essentiels de la démocratie qui est de comprendre les idéologies extrêmes pour en débattre et pour les contrer.

Anne Nivat l’a bien relevé : le travail d’un journaliste est de présenter des faits et non des opinions, pour montrer la complexité d’un conflit. En aucun cas un journaliste ne doit prendre parti, et il doit tendre au maximum vers l’objectivité, remettant constamment en cause les dires qu’on lui rapporte. Cependant, cette mission est aujourd’hui de plus en plus mise à mal. Lorsque G.W. Bush a clamé en réaction aux attentats du 11 septembre 2001 qu’on était soit contre les terroristes, soit avec eux, il a offert un choix binaire, dans lequel ne pouvaient se retrouver les journalistes qui doivent respecter l’impartialité. Lorsque Manuel Valls a dit après l’attentat du Bataclan que « comprendre, c’est pardonner», il réfutait l’un des principes essentiels de la démocratie, qui est de comprendre les idéologies extrêmes pour en débattre et pour les contrer. Or, Greste, citant Mill, alerte contre le danger de prendre parti car « personne n’a le monopole de la vérité. » L’idée d’une vérité absolue est dangereuse et fausse. Nivat insiste, il y a assister à un événement et il y a l’interpréter. Deux personnes peuvent voir la même chose et en tirer des interprétations différentes. Le devoir d’un journaliste est ainsi de rapporter les événements et les visions de chaque parti sans juger ni être partial. Chose difficile aujourd’hui où le ton est à la polémique et au patriotisme.

L’idée d’une vérité absolue est dangereuse et fausse. Le devoir d’un journaliste est ainsi de rapporter les événements et les visions de chaque parti sans juger ni être partial.

C’est pourquoi le journalisme est avant une question de curiosité. La curiosité d’aller voir, de rapporter, de débattre, de ne jamais prendre pour argent comptant ce qui est rapporté. Ce devoir d’impartialité est essentiel, aussi bien pour le journalisme que pour le maintien de nos démocraties libérales.

 

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