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Décentraliser est le meilleur moyen d’élever la vie politique

Décentraliser est le meilleur moyen d’élever la vie politique

Dans les lignes qui suivent, Christophe Pella, membre et soutien de notre think-tank, plaide pour une forte décentralisation. Plutôt que le développement des référendums, Christophe loue les vertus de la concurrence institutionnelle entre une multiplicité d’entités ainsi que les avantages de l’autonomie fiscale pour responsabiliser élus et citoyens.

 

« Aidez-nous à devenir comme les Allemands. » Cette demande touchante, formulée en été 2013 par un ex-instituteur grec qui venait d’ouvrir un petit hôtel sur l’ile de Santorin, résume bien la faiblesse principale de l’Europe aujourd’hui. Malgré ses réels succès, au premier rang desquels la paix et le marché commun, l’Europe ne sait pas comment tirer vers le haut les standards de la vie politique des États qui la composent.

L’Europe ne sait pas comment tirer vers le haut les standards de la vie politique des États qui la composent.

Certains pays européens figurent parmi les plus libres, les plus prospères, les plus heureux et les plus les moins corrompus du monde. L’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg, les cinq pays nordiques, le Royaume-Uni et la Suisse se trouvent dans le haut du classement de multiples indices comparatifs. Par contre, la France et l’Europe du sud figurent au second rang en termes de qualité de vie et souffrent d’un manque de dynamisme économique. La Grèce a connu des années de franche austérité et de réformes timides, l’inverse de ce qui aurait été idéal pour assurer son avenir. Ailleurs en Europe, notamment en Hongrie et en Pologne, c’est l’État de droit qui est menacé par des gouvernements qui sapent l’indépendance de la justice, la liberté d’association et la liberté de presse.

Ces pays européens ont un commun un débat public dysfonctionnel où règnent des dangers imaginaires. Le « capitalisme ultralibéral et financier » est brandi comme un perpétuel péril dans des pays sur-réglementés et surtaxés tandis que d’inexistantes hordes d’immigrants menacent des nations repliées sur elles-mêmes. Une autre caractéristique de la politique dans ces pays est qu’elle consiste surtout en une lutte aigrie à propos du « partage du gâteau » et presque jamais en un débat sensé sur la manière de le faire grandir. Unis dans l’irresponsabilité, les insouciants considèrent le progrès comme une exogène « manne céleste » et les déprimés comme une illusion.

Unis dans l’irresponsabilité, les insouciants considèrent le progrès comme une exogène « manne céleste » et les déprimés comme une illusion.

Quelles suggestions viennent à l’esprit d’un Helvète qui vit à l’étranger ? En tout cas pas l’ajout des référendums aux constitutions existantes ailleurs ! La Suisse pratique certes la démocratie semi-directe, mais ce n’est là qu’un élément d’un système institutionnel qui comporte aussi un gouvernement collégial unissant tous les grands partis politiques. En Suisse, les faiseurs d’opinion et les citoyens donnent leur avis assez honnêtement sur chaque question soumise au scrutin. Dans les pays qui les utilisent sans équilibre institutionnel, les référendums sont plutôt otages de calculs politiques : soutenir le chef pour se faire bien voir, essayer de prendre sa place (Boris Johnson lors du vote « Brexit ») ou protester sans égard au sujet.

Une meilleure suggestion, issue de la pratique des pays fédéraux, est de décentraliser l’État bien au-delà de ce que le seul principe de subsidiarité n’exige. Pour celui qui ne voit que l’existant, la multiplicité des entités politiques avec leur parlement, leur gouvernement et leur administration propres est comme la multiplicité des entreprises privées en concurrence : un gaspillage, un désordre illogique auquel la planification centrale doit évidemment remédier. Cependant, le vrai défi n’est pas de tenter de figer l’existant, il est de trouver les règles qui nous aident à faire advenir un futur meilleur. Vu sous cet angle, la multiplicité des entités politiques locales est un processus de découverte qui permet des expériences différentes au sein d’un même pays. Naturellement, toute une série de domaines sont du ressort national ou supranational (défense, diplomatie, réglementation économique, fiscalité indirecte, assurances sociales, etc.). Mais on peut décentraliser les décisions concernant les services publics et la fiscalité directe. Cela permet aux citoyens et aux élus de s’inspirer des innovations fructueuses faites ailleurs et de corriger le tir lorsque les solutions d’hier se révèlent inadéquates.

La multiplicité des entités politiques locales est un processus de découverte qui permet des expériences différentes au sein d’un même pays.

Un second avantage de la décentralisation est qu’elle responsabilise les citoyens et les encourage à aborder pragmatiquement les questions politiques. Comme écrit Tocqueville, les êtres humains sont « avides d’idées générales » dans les domaines « qui ne sont pas l’objet habituel et nécessaire de leurs pensées ». Confrontés à la démocratie locale « tous les jours et d’une manière pratique, il faudra bien alors qu’ils entrent dans les détails, et les détails leur feront apercevoir les côtés faibles de la théorie ». Imaginons par exemple ce que pourraient devenir les conversations politiques des Français s’ils cessaient de se complaire dans l’illusion d’une lutte entre « bons » et « méchants » et d’agiter des mots en « -isme » qu’ils ne comprennent pas. « Limoges a raison d’introduire l’anglais à l’école dès 9 ans. Attendre 12 ans comme à Bordeaux, c’est trop tard. », « L’impôt sur le revenu à Nîmes est trop élevé. Regardez le nombre de gens qui déménagent à Avignon. », « La révision de la loi sur la laïcité à Nantes devrait s’inspirer des expériences faites à Rennes. ». Décentraliser est le meilleur moyen d’élever la qualité de la vie politique.

 

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