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Réseaux sociaux : qu’est-ce qu’un « propos haineux » ?

Réseaux sociaux : qu’est-ce qu’un « propos haineux » ?

Dans un entretien pour Atlantico, notre chargé d’études Rafaël Amselem déplore que la Commission européenne rende obligatoire la suppression de tous les « contenus haineux » par les réseaux sociaux sous peine de fermeture des plateformes. 

 

Pour Rafaël, tout d’abord, la menace d’interdiction d’une plateforme en raison de son contenu paraît disproportionnée : c’est aux individus d’être responsables de leurs propos et non aux plateformes. Comme il l’explique, « cela reviendrait à fermer un établissement (un bar, par exemple) sous prétexte que certains des individus présents tiendraient des propos complotistes, antisémites, etc. »

« Il faut faire la différence entre une haine générale (y compris si celle-ci est spécialement dirigée contre le pouvoir en place, cela fait partie de l’expression politique) et la haine dirigée contre autrui. »

 

Ensuite, s’il est évidemment favorable à la modération des contenus haineux, il s’interroge cependant sur leur définition. Selon lui, le seul cas de haine objective « c’est quand elle s’attaque à une ou des personnes ».

Tout le monde est par ailleurs d’accord sur la nécessité de modérer les contenus problématiques comme les fake news ou propos racistes, mais personne n’est d’accord sur qui doit censurer, et selon quels critères. Ces mesures vont donc encore dans le sens d’un renforcement du pouvoir administratif comme garant de la vérité. « La vérité administrative n’est jamais garante de l’amélioration de la qualité du débat politique. »

« Tant que l’on ne s’attaque pas aux personnes, on devrait pouvoir préférer toutes les expressions, y compris les plus nuisibles, fausses ou idiotes. »

 

À propos de la récente sortie du ministre de l’Éducation Pap Ndiaye qui qualifie CNews et Europe1 d’ « extrême-droite » en disant « qu’ils font du mal à la démocratie », Rafaël dénonce la volonté du Gouvernement de déterminer ce qui est « haineux » de ce qui ne l’est pas, et de distinguer ainsi les « bons » des « mauvais » médias. En vertu du pluralisme politique, « il est important que de tels titres puissent exister. (…) Les idées, y compris les radicalités, doivent pouvoir s’exprimer. »

Enfin, Rafaël souligne l’ironie de la situation : il appartient à l’État de prendre en charge le traitement des posts jugés comme illégaux. Or aujourd’hui, la plateforme Pharos censée prendre en charge les signalements sur internet ne peut traiter toutes les demandes, faute de moyens. « Le pouvoir politique n’est pas capable de faire face à sa propre responsabilité et c’est pour cela qu’il se défausse sur la société ; qu’il envisage d’élargir le champ du phénomène de prohibition. »

« Il est très facile de dire que les fakes news ou le complotisme sont intrinsèquement néfastes. Mais une fois ce postulat posé, avec lequel tout le monde peut être d’accord en théorie, on soulève aussi la question de la nature du référentiel de la vérité. Dans une démocratie libérale, on considère généralement que ce n’est pas à l’administration d’en décider, qu’il résulte de l’aboutissement de la confrontation des opinions. »


Pour lire l’article, cliquer ICI.

Pour voir l’intervention de notre directeur Christophe Seltzer sur les menaces d’interdiction de Twitter proférées par le ministre Jean-Noël Barrot, cliquer ICI.

Pour notre recueil « Décentraliser la Ve République », cliquer ICI.

 

Publié le 12/07/2023.

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