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Marine Le Pen ou la démocratie sans l’État de droit

Marine Le Pen ou la démocratie sans l’État de droit

Pour la Fondation Jean Jaurès et La Tribune de Mayotte, les deux co-auteurs de notre prochain rapport consacré aux institutions, Frédéric Potier et Ferdinand Mélin-Soucramanien, montrent que l’utilisation que compte faire Marine Le Pen du référendum va à l’encontre de la Constitution et pourrait menacer l’État de droit, des droits de l’homme à la laïcité. 

 

Consciente de la difficulté qu’elle aura à obtenir une majorité législative le 19 juin prochain, Marine Le Pen a annoncé qu’elle gouvernera en sondant directement la vox populi, autrement dit par la voie référendaire en vertu de l’article 11 – qui prévoit les domaines d’usages du référendum sur « l’organisation des pouvoirs publics, les réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». Ainsi, souligne Frédéric Potier, Marine Le Pen souhaiterait se saisir de cet article 11 pour introduire le RIC et changer le mode de scrutin des législatives pour imposer la proportionnelle – ce qui in fine reviendrait à déboucher sur une majorité instable et justifierait le recours au référendum.

« En résumé, Marine Le Pen entend combattre la dérive monarchiste de la Ve République en concentrant encore davantage les pouvoirs dans les mains du président de la République et en contournant le contrôle du Conseil constitutionnel. » Frédéric Potier 

Or comme l’explique Ferdinand Mélin-Soucramanien, ce mode d’exercice du pouvoir est inconstitutionnel. En effet, lorsque De Gaulle s’en était saisi pour faire changer le mode de scrutin de l’élection du Président de la République en 1962, les constitutionnalistes du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel n’avaient pas manqué de lui rappeler qu’une modification de la Constitution par référendum est contraire à celle-ci. Le Conseil constitutionnel, censé en vertu de l’article 62 veiller au respect de la conformité d’usage d’un référendum, ne pourrait que rendre un avis négatif sur un référendum de cette nature.

« Le premier devoir démocratique d’un président élu est de respecter la Constitution même et surtout s’il veut la changer. » Ferdinand Mélin-Soucramanien

C’est ainsi toute l’architecture de gouvernementalité édifiée par Marine Le Pen qui serait inconstitutionnelle. En plus de rendre caduc les contre-pouvoirs que sont les assemblées parlementaires, une telle façon d’exercer le pouvoir aurait pour effet de démanteler l’État de droit. La candidate du RN compte faire appel à l’article 11 pour faire adopter le principe de priorité nationale –  pas d’octroi du RSA pour les étrangers s’ils n’ont pas travaillé durant au moins cinq ans, suppression du regroupement familial, du droit du sol, l’expulsion des étrangers au chômage depuis 1 an et l’expulsion systématique des délinquants et criminels étrangers – enterrant de jure le principe d’égalité qui est aux yeux du monde l’identité même de la France selon Frédéric Potier.

« Le programme Le Pen inquiète tout particulièrement en annonçant un climat de défiance et de suspicion à l’égard des religions. La mise en application de ce programme aboutirait à une confrontation avec les sages du Conseil constitutionnel qui ne pourraient que constater sa non-conformité à la Constitution. » Frédéric Potier 

Derrière sa volonté d’opérer une distinction entre les nationaux, les étrangers et les musulmans se retrouve une charge en règle contre la laïcité telle que définie dans la loi de 1905 et contre la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Frédéric Potier rappelle que « si l’État et les services publics sont astreints à une absolue neutralité, il n’en est rien des usagers du service public ni des citoyens. « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi », affirme l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »


Pour lire l’article de La Tribune de Mayotte, cliquer ICI.

Pour lire le rapport de La fondation Jean Jaurès, cliquer ICI.

 

Publié le 22/04/2022.

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