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[Lu Ailleurs] : Nationalisme vs racialisme : les deux faces d’une dérive identitaire.

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Dans Telos, Blaise Wilfert dénonce les dérives identitaires communes aux théories nationalistes et « racialistes ».

 

Blaise Wilfert conteste le pivot argumentatif du discours du sociologue Mathieu Bock-Côté sur la question du « racialisme ». Le racialisme est une théorie qui admet l’existence de races humaines différentes sur des aspects principalement physiques et psychiques. Selon Mathieu Bock-Côté, la France résisterait à cette idée grâce à son unité culturelle et son universalisme ancrés dans un récit national. Toujours selon lui, les années 1980 auraient été le point de départ de la déconstruction de l’identité française causée par les « sciences sociales », une vague de migration et le socialisme mitterrandien. Dès lors, cette culture commune, cette appartenance à la nation, serait légitime à défendre puisque mis en péril par de nouvelles revendications identitaires.

« La tendance permanente de la vie politique française à l’affrontement généralisé, jusqu’à la guerre civile (de 1793 à la guerre d’Algérie), enfin, montre de manière éloquente ce qu’il faut penser du partage supposé d’idéaux, de croyances et d’aspirations et de ses effets sur la solidarité politique »

Pourtant, Blaise Wilfert estime que le projet national défendu par Mathieu Bock-Côté s’apparente lui aussi à un projet politique identitaire. Il explique que la France ne peut être considérée comme un État national qu’à partir de 1962, au sens où l’État « se prétend officiellement la forme politique d’un peuple de citoyens, et non pas de sujets ». Avant cette date, le pays comptait encore des colonies et donc des sujets. Blaise Wilfert souligne que, jusqu’à la fin du XIXe siècle, la population repose à peine sur le socle commun de la langue et que la vie politique française est marquée par une tendance perpétuelle à l’affrontement. Quel destin commun peut-on tirer de cela ?

« Tous les nationalistes prétendaient parler au nom du « peuple », incarner son unité, et donner forme à son « esprit », mais il était clair pour la plupart d’entre eux, et très souvent c’était explicitement énoncé, qu’une fois que le pays serait « fait » (comprendre, une fois l’État unitaire constitué comme pouvoir monopolistique), il conviendrait de « faire » les citoyens, c’est-à-dire de produire leur appartenance idéologique et culturelle à l’État. Comme la « race», la « nation » était, et reste un projet politique. »

Blaise Wilfert démontre qu’au fil de l’Histoire la « race » et la « nation » sont loin d’avoir été incompatibles : il estime « qu’à aucun moment la définition nationale du « peuple » n’a interdit une racialisation très forte ». La Déclaration des droits de l’homme ou la Déclaration d’indépendance américaine n’ont pas entraîné l’abolition de l’esclavage, par exemple. Contrairement à ce qu’affirme Mathieu Bock-Côté, « race » et « nation » ont parfaitement coexisté dans l’histoire. Or, ce dernier pense que l’identité nationale est fondée exclusivement sur une manière d’être et de vivre. Cette seule disposition permettrait l’homogénéité ethnique et culturelle. Blaise Wilfert estime que l’idée nationale s’accommode très bien de l’exclusion raciste chez les nationalistes.

« Contrairement à ce qu’écrivent et proclament les nationalistes actuels, à aucun moment de notre histoire, nos États, dans l’espace atlantique au moins, n’ont présenté d’homogénéité ethnique et culturelle (…) La «culture française » n’est pas à l’origine de l’État français, ni sa justification, mais, dans une bonne mesure, sa création. »

Mathieu Bock-Côté déplore, à cause du « racialisme », une évolution de la structure de l’État vers ce qu’il appelle une « bureaucratie diversitaire ». Les décisions des pouvoirs publics seraient alors calquées sur des critères ethniques. Pour Blaise Wilfert, la culture nationaliste conduit au même travers : un modèle arbitraire est défini et imposé à tout le territoire français. Mais sur quels critères peut-on définir la culture française ?

« Les nationalistes qui prétendent faire de la « culture nationale » le pivot de l’ordre politique, donnent toujours leur définition du contenu de cette culture nationale ; dans le même mouvement, ils prétendent en faire l’outil d’une communauté inclusive ET ils en imposent une définition légitime, dont ils sont bien sûr, par position, les légitimes interprètes. Définissant les frontières de la communauté, ils en tiendront les rênes. »

À l’instar des études post-colonniales, le nationalisme propose une lecture de l’histoire qui alimente une idée bien définie du récit national.

« La tendance permanente de la vie politique française à l’affrontement généralisé, jusqu’à la guerre civile (de 1793 à la guerre d’Algérie), enfin, montre de manière éloquente ce qu’il faut penser du partage supposé d’idéaux, de croyances et d’aspirations et de ses effets sur la solidarité politique »

Blaise Wilfert estime qu’agiter la menace d’une dérive totalitaire entrainée par la déconstruction de l’identité nationale est un piège. Plutôt que d’assigner une identité à une nation, pourquoi ne pas laisser ce champs libre à l’individu ? À cet égard, la tradition libérale fait de ce choix quelque chose de précieux et intime. Elle propose un « dépassement de l’étroitesse nationale et la réalisation de l’humanité dans sa particularité individuelle et son universalité cosmopolitique. »


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Publié le 27/05/2021.

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