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[Lu ailleurs] Le retour de la délibération face au présidentialisme

[Lu ailleurs] Le retour de la délibération face au présidentialisme

Dans le Jus Politicum Blog, le professeur de droit public Bruno Daugeron analyse le début d’un retour à l’esprit de la Constitution de 1958 avec la fin du fait majoritaire favorable au Président de la République. 

 

À rebours des commentateurs politiques qui voient dans le résultat des élections législatives une crise de régime, Bruno Daugeron estime que seule le pratique institutionnelle présidentialiste est menacée. Pour le professeur de droit public, la Ve République et sa Constitution ont été manipulées de force à coup de révisions constitutionnelle afin de faire advenir dans le droit ce qui n’a résulté que d’une interprétation partielle et orientée du texte fondateur.

Ce qui relevait alors du descriptif, à savoir un « présidentialisme majoritaire » apparu en 1962, confirmé par les scrutins législatifs de 1967 et 1968 et qui n’a pas cessé de se démentir hors période de cohabitation, est devenu une réalité quasi-constitutionnelle via l’inversion du calendrier électoral et la synchronisation des élections présidentielle et législatives ainsi qu’avec l’instauration du quinquennat. Cette dynamique qui a vu un état de fait devenir la norme a été largement appuyé par d’illustres constitutionnalistes et professeurs de droit public parmi lesquels Georges Vedel et Guy Carcassonne. Selon eux, le présidentialisme, supplantant l’Assemblée nationale et dessinant l’action gouvernementale, était de façon substantielle appelé à devenir la réalité organique de la Ve République. En devenant immuable, le présidentialisme annihilerait l’instabilité parlementaire des régimes précédents.

« En refusant de voter pour les candidats de la coalition présidentielle (voire en refusant de voter tout court), les électeurs ont non seulement défié politiquement le président de la République mais aussi, sur le plan institutionnel, mis fin au schéma imposé de force pour le plus grand confort de l’exécutif et de ses soutiens en faisant voler en éclat la dimension majoritaire du présidentialisme. »

Finalement, il leur importait peu de voir les parlementaires réduits à devenir des godillots ou que les conseillers du Président aient plus de poids qu’un ministre tant que l’édifice institutionnel était caractérisé par la stabilité et que le bilan de l’action gouvernementale était jugé à chaque élection présidentielle.

C’est donc un grand pavé dans la marre institutionnelle qu’a jeté le résultat de cette élection. En enterrant le fait majoritaire, cette élection revient à l’esprit de la Constitution de 1958, ce pour quoi elle avait été écrite, et donc au retour de l’Assemblée nationale comme moteur institutionnel. En effet, la demande faite par le Président aux oppositions de s’entendre pour voter les réformes qu’il entend conduire apparaît dérisoire et incongrue. Vieux réflexe d’un présidentialisme en désuétude.

« Les élections législatives de juin 2022 ont mis un terme à ce que certains avaient fini par associer un peu rapidement à la logique des institutions de la Ve République. »

Ainsi, pour Bruno Daugeron, il ne s’agira plus à présent de se demander quelle majorité pour voter les textes de l’exécutif mais bien quelles majorités construites autour de compromis se dessineront pour écrire  la loi.

Récemment, GenerationLibre a sorti un recueil contenant des propositions pour déprésidentialiser la Ve République. Constatant que le taux de participation à l’élection présidentielle a baissé de 15 points depuis 1974, nous proposons de supprimer l’élection du président de la République au suffrage universel direct afin d’en finir avec ce fétiche infantilisant. En contrepartie, nous proposons de revaloriser le rôle du Premier ministre : renouer avec son investiture par l’Assemblée nationale et étendre son domaine de compétences – pour qu’il nomme seul les ministres, préside seul le Conseil des ministres -, et contraindre le président de la République à signer les ordonnances du Gouvernement.

Dans le même temps, nous militons pour revaloriser le travail parlementaire, trop souvent piétiné par l’exécutif qui mène à la baguette sa majorité – seuls 11% des amendements ont été adoptés lors de la dernière législature. Nous proposons de conférer à l’opposition la présidence de la commission des Affaires sociales mais également de permettre aux parlementaires d’avoir une plus grande maîtrise de l’agenda législatif. Enfin, nous suggérons de supprimer le droit d’amendement du Gouvernement.


Pour lire l’article original, cliquer ICI.

Pour lire notre recueil « Déprésidentialiser la Ve République », cliquer ICI.

 

Publié le 28/07/2022.

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