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[Lu ailleurs] Emmanuel Macron, un libéral autoritaire ?

[Lu ailleurs] Emmanuel Macron, un libéral autoritaire ?

Interrogé en 2020 par l’hebdomadaire Marianne sur la nature du libéralisme en demi-teinte pratiqué par Emmanuel Macron, l’historien Lucien Jaume voit dans le chef de l’État le successeur du libéralisme autoritaire de Guizot. 

 

De quel libéralisme Emmanuel Macron est-il le nom ? Pour l’historien Lucien Jaume, pas de doutes, le Président se situe dans le giron d’un autre historien, François Guizot, président du conseil des ministres durant la Monarchie de Juillet. Au XIXe siècle, deux conceptions du libéralisme s’affrontent en France. Le premier courant, celui de Madame de Staël et de Benjamin Constant, se méfie de l’État, prône la liberté de l’individu et estime que la Constitution devrait permettre au citoyen de poursuivre l’État en cas d’abus. Le second, dont Guizot sera la figure de proue, est un libéralisme impulsé par l’autorité étatique.

« Ce libéralisme élitiste et autoritaire s’est en fait assez bien accordé avec l’histoire française, celle d’un pays où l’Etat a précédé et construit la nation, où l’administration occupe un rôle central. »

Lucien Jaume juge que cette dichotomie libérale réside dans les conditions objectives d’exercice du pouvoir. Pour parer les complots qui le visaient, Guizot s’était accommodé de l’appareil d’État pour mener à bien une politique autoritaire mais économiquement libérale. Cette pratique du pouvoir a tout de même suscité de vives réactions chez les libéraux de l’époque comme le rappelle l’historien, « Guizot était traité de traître au libéralisme en 1834, lorsqu’il a quasiment interdit la liberté d’association ».

Pour Lucien Jaume, le rognement des libertés politiques au profit des libertés économiques, que l’on pourrait percevoir chez Emmanuel Macron, n’a rien d’une anomalie considérant les spécificités françaises. L’Etat ayant préexisté et façonné la nation française, l’idée d’imposer le libéralisme par sa main au gré du pouvoir exécutif et de l’administration s’est opéré de façon intuitive pour les hommes politiques et chefs d’État d’obédience libérale. Il n’est ainsi guère étonnant, pour l’historien, qu’Edouard Balladur et Valéry Giscard d’Estaing aient placé leur pratique du pouvoir sous le patronage de François Guizot.

« Tocqueville soulignait avec raison que la tradition française était très portée vers l’égalité, que la liberté était regardée comme une valeur très aristocratique. Ce n’est pas la tradition britannique : là-bas, l’Etat a une fonction utilitaire. En France, l’Etat fait vivre la nation […], quelqu’un qui promet d’aller vers plus d’égalité sera toujours plus écouté qu’un autre qui assure plus de liberté. »

L’ambivalence du libéralisme d’Emmanuel Macron – un laissez faire économique et un progressisme sociétal contrebalancés par le recul des libertés politiques – s’expliquerait par l’attachement préférentiel des Français à l’égalité plutôt qu’à la liberté. Ainsi, pour Lucien Jaume, le Président « bricole avec la tradition de l’État français ». Nonobstant, l’historien regrette l’absence d’attachement des Français à la Liberté, en témoigne les enquêtes d’opinions qui soulignent l’attente du retour d’un homme fort ou l’acceptation par la majorité d’entre eux de mesures restreignants les libertés publiques.


Pour retrouver lire l’entretien dans Marianne, cliquer ICI.

 

Publié le 04/04/2022.

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