Nos actus

International : la neutralité est une imposture

International : la neutralité est une imposture

À l’aune des écrits d’Aron, notre chercheuse associée Loriane Lafont-Grave dénonce, dans Contrepoints, le bonapartisme de la politique étrangère macronienne. Elle ambitionne une prise de position claire et concrète de la France aux côtés de l’Ukraine.

 

À l’heure d’un changement de ministre, il n’est pas vraiment question d’un changement de cap puisque la diplomatie constitue un « domaine réservé » du président de la République. C’est du moins ce que soutient Loriane dans un état des lieux de la diplomatie française, qui selon elle « n’est pas au beau fixe sur plusieurs fronts ». Tandis que nos relations avec l’Afrique tournent à l’aigre, elle remet en question nos rapports avec Washington et notre implication dans le conflit russo-ukrainien.

« Incohérence, manque de fiabilité, improvisation, paternalisme et arrogance »… Tels sont les reproches faits à la diplomatie macronienne, constituée d’« initiatives empathiques et non-coordonnées prises unilatéralement par le chef de l’État ». Pour Loriane, le président Macron marche maladroitement dans les pas du Général de Gaulle : elle dénonce une politique aux tendances « bonapartistes » et une verticalité du pouvoir décisionnel.

 

« Les Européens ne doivent pas attendre, pour préparer leurs opinions publiques, une intensification de la guerre de la Russie contre l’Ukraine et des contrecoups éventuels pour eux-mêmes. »

En son temps, l’intellectuel Raymond Aron s’attaquait à « l’attitude solipsiste » du Général de Gaulle. Notre chercheuse transpose cette critique à la politique macronienne : culte de la personnalité, hyper-verticalité du pouvoir, théâtralité de la prise de décisions, aucune collégialité dans les initiatives… Même si Macron se prétend libéral, Loriane n’est pas du même avis. Elle avance qu’il n’applique aucun libéralisme en matière de politique extérieure. En effet, si l’on s’en tient à la définition d’Aron, la philosophie libérale représente l’antithèse d’une « conception individualiste de la société ». Pourtant, il est clair que le président de la République entretient un rapport jupitérien avec ses institutions et mène sa barque de manière à ne donner « ni vie, ni voix au Parlement ».

Loriane regrette le rôle quasi-inexistant de notre Parlement sur les questions diplomatiques, ce qui fait de notre pays une « anomalie » parmi les autres démocraties occidentales. Le vote de nos parlementaires n’est pas requis et leur avis « à peine, voire pas du tout consulté ». Certes, l’exécutif est « presque tout puissant » mais il n’en est pas plus efficace.

 

« La pratique du président en matière de relations internationales est bien trop proche de celle de Bonaparte dans la manière martiale qu’il a de paraître imposer les volontés françaises à nos voisins, qui se méfient d’ailleurs toujours d’un penchant bien français vers l’autoritarisme. »

En ce qui concerne la guerre russo-ukrainienne, Loriane pointe du doigt certaines limites de notre politique étrangère : le retour d’un anti-américanisme, des erreurs et ambiguïtés du président, des faiblesses logistiques quant au soutien matériel mais surtout une volonté de « ne pas humilier Moscou ». Loriane reprend les mots d’Aron et affirme que  « la neutralité est une imposture et sans doute aussi une lâcheté ». 

En ce sens, elle rappelle le désaccord idéologique entre Raymond Aron et Hubert Beuve-Méry (fondateur du journal Le Monde) qui appelait à rester à équidistance de Washington et de Moscou lors de la Guerre froide. Cette prise de position était « aberrante » aux yeux d’Aron. Près de 80 ans plus tard, ce discours raisonne avec la situation géopolitique actuelle : Loriane s’oppose à l’idée, soutenue par certains politiques français, selon laquelle prendre position dans ce conflit aggraverait la guerre.

 

« À craindre Poutine, nous lui donnons raison, et nos tergiversations dans le passage à l’action pourraient finir par coûter cher au continent européen. Il est encore temps de nous ressaisir, en surmontant nos peurs. »

Loriane espère que la France fasse preuve de courage politique en clarifiant sa position. Il est grand temps qu’elle agisse en qualité d’alliée « fiable et solide » aux côtés de Kiev, mais aussi aux côtés des États-Unis qui ne peuvent assumer le conflit seuls. Pour être crédibles et ne plus passer pour des « beaux parleurs », nous devons apporter un soutien logistique plus conséquent aux Ukrainiens.

Que le président de la République s’inspire du Général de Gaulle en écoutant Aron et qu’il devienne libéral, tels sont les souhaits de Loriane.

 

« Ce n’est pas de « locomotive » que la France doit faire figure mais d’ancre, de pays stable et constant dans sa volonté, non plus seulement de ne pas laisser gagner la Russie mais de faire gagner l’Ukraine. »

 


Pour lire l’article, cliquer ICI.

 

Publié le 17/01/2024.

Toute l'actu
Débats
Dossiers
Influence
Podcast
Presse
Rencontres
Tribunes
Vidéo
Charger + d'actu

S'inscrire à la Newsletter