Tout le monde a le droit de manifester

Dans une tribune pour Le Figaro, notre chargé d’études Rafaël Amselem s’oppose fermement, au nom des libertés publiques, à l’interdiction systématique des manifestations propalestiniennes. 

 

Pour Rafaël, juif, sioniste et aussi fervent défenseur des libertés publiques, les manifestations propalestiniennes méritent d’être organisées. En effet, il rappelle le droit pour tout citoyen français de soutenir les Palestiniens. Il rappelle que « la liberté est première, et la restriction l’exception ». Il nous rappelle aussi les droits des citoyens dans un État libéral, entre autre le droit de manifester. Cependant, il n’est pas contre une interdiction au cas par cas (plutôt que systématique), « en faisant la preuve de la proportionnalité de la mesure », notamment dans le cas où certaines manifestations propalestiniennes débouchent sur des débordements antisémites, desquels il faudra protéger les juifs de France.

« On ne saurait donc tolérer les interdictions à l’emporte-pièce, sauf à considérer que le gouvernement peut conditionner la liberté, ce qui revient en réalité à dire qu’il n’existe pas de liberté tout court. »

 

Rafaël rappelle que ces dérives ne sauraient advenir s’il n’existait pas un narratif antisionniste, qui ancre l’État juif dans une posture de colonisateur et les Palestiniens en victimes. Notre chargé d’études s’inquiète aussi de la situation humanitaire préoccupante en Palestine et rappelle qu’un soutien à la Palestine n’est pas assimilable à un soutien au Hamas. Au contraire, la radicalité se doit d’être présente dans le débat tant « qu’elle se contente d’elle même ».

« Soutenir les Palestiniens est un droit. Encore heureux que des citoyens puissent exprimer leur émotion. »

 

Le pouvoir doit être conscient des impératifs de liberté. Rafaël soutient que le droit est à la disposition de la société et non de l’État. Par ailleurs, se tiendront tout de même certaines manifestations interdites plus révoltées sûrement car les citoyens s’étaient vu interdire un droit fondamental. L’ordre public devra toujours surveiller et protéger ses concitoyens juifs si débordements lors des manifestations propalestiniennes il y a.

« S’il y a une liberté de manifester, il y a aussi un ordre public, et des juifs légitimement inquiets face à la montée de l’antisémitisme : leur liberté compte aussi. »

 


Pour lire la tribune de Rafaël, cliquer ICI.

 

Publié le 18/10/2023.

Trop de bureaucratie tue la démocratie

« Droit à la subsistance » contre RSA conditionné, défense de l’immigration et opposition à la reconnaissance faciale pour les JO… : en débat avec la Défenseur des Droits Claire Hédon, notre fondateur Gaspard Koenig appelle à lutter contre la bureaucratie pour sauver nos libertés.

 

Pour commencer, Gaspard dénonce le RSA conditionné à 15 heures d’activité obligatoires. Le philosophe remarque qu’en France, la tendance est d’insister de plus en plus sur les devoirs et de moins en moins sur les droits. Pourtant, Gaspard rappelle que nos droits politiques sont inconditionnels et absolus, même s’ils impliquent parfois une restriction de certaines actions. Il dénonce « une mauvaise forme de paternalisme ».

« Le discours actuel de l’ensemble de la classe politique, en ce qui concerne les droits et les devoirs des citoyens, est totalement fou par rapport à l’État de droit. »

 

Gaspard appelle à laisser tout individu qui le souhaite « vivre dans sa marge », car notre société libre se doit de respecter les valeurs et différences de chacun pour ainsi vivre en harmonie. Selon Gaspard, notre diversité est un « acquis de nos démocraties » et un progrès pour l’Humanité. Il explique ainsi s’opposer au fameux discours de « l’imposition forcée » de valeurs communes et républicaines qui ne sert, in fine, que de prétexte à une verticalité décisionnelle et nous éloigne de notre idéal de société.

Notre fondateur soulève qu’en France nombres d’études et de réflexions ont démontré que l’attachement à la liberté s’effrite un peu. En effet, deux français sur trois seraient prêts à céder en matière de libertés publiques et/ou individuelles si la sécurité du pays est en jeu et lorsqu’on évoque le triptyque de la République française, l’égalité et la fraternité devancent bien largement la liberté.

« Sur le plan de la société politique, nous avons des droits sans contre-partie, c’est même le fondement de nos démocraties. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, ça n’est pas la Déclaration des Droits et des devoirs du Citoyen. »

 

Aussi, notre fondateur se penche sur les écrits de Thomas Paine, qui en 1796, a analysé la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Ce dernier a soulevé un droit fondamental manquant : le droit à la subsistance. Selon la définition de Gaspard, il s’agit là d’un droit « réel plutôt que formel ». Chaque citoyen a besoin d’un minimum vital qui sécurise son existence dans ce qu’elle a de plus biologique. Ainsi, Gaspard défend notre proposition de revenu universel, « absolu et sans contre-partie ».

Si Gaspard reconnaît que la mise en place successive d’allocations telles que le RSA ou encore le RMI est un progrès, il dénonce la récente « conditionnalisation » du RSA nous fait rebrousser chemin. Gaspard s’oppose à l’idée qu’on octroie une aide seulement avec une contre-partie. Cela tend à enfermer les allocataires dans leur statut de « pauvres » et les empêche de se libérer et de s’émanciper.

« Ce droit à la subsistance est le début d’un concept qu’on retrouve chez Thomas Paine, qui est le revenu universel, le droit absolu et sans contre-partie d’avoir un minimum vital. »

 

Gaspard appelle à la simplification ! Pour lui, chaque droit devrait être « compréhensif et simple » pour chaque citoyen. La question de la bureaucratisation est une des questions centrales de notre société, « une question existentielle ». Derrière cette pression normative se cache en réalité une volonté de la part de l’État d’avoir plus de contrôle et de se préserver du risque. Gaspard estime que nous sommes arrivés à un stade de saturation tel que le politique ne peut plus changer. Le paradigme politique en place nous pousse vers toujours plus de complexité, toujours plus de normes, et finalement, toujours plus d’inégalités. En effet, les moins touchés sont les individus proches des sources de pouvoir et d’information. Les premières victimes sont les « individus au bout de la chaîne »…

« Cette inflation normative génère des inégalités profondes. Le problème administratif n’est pas un problème de bourgeois, c’est un problème de justice sociale. »

 

Pour le philosophe, l’immigration représente aujourd’hui la question bureaucratique par excellence. Il souligne le paradoxe que « pour travailler il faut des papiers, mais pour avoir des papiers il faut travailler ». Entre illégalité et arbitraire, notre système ne facilite pas l’arrivée et l’accueil digne et efficace des étrangers sur notre sol.

« Généralement, quand on a traversé des mers et qu’on arrive dans un pays, on veut bosser, pas glander au RSA. »

 

Pour finir, Gaspard s’inquiète des dangers de l’intelligence artificielle. En ce qui concerne la bureaucratie, l’IA est une ennemie : elle permet en réalité d’augmenter et de complexifier les normes. Il se penche sur la question de l’utilisation de caméras à reconnaissance faciale lors des JO. Pour Gaspard, pas de débat : il s’y oppose fermement ! À l’aune des écrits de Tocqueville et Graeber, Gaspard veut lutter contre « le despotisme démocratique, à l’ombre des libertés fondamentales et de la souveraineté du peuple ». Même si nos lois sont démocratiquement décidées, elles nous contraignent dans l’exercice de nos libertés. Le degré d’intrusion du droit dans nos vies est donc un levier à reconsidérer.

« Le but d’une société libre est de laisser quiconque le souhaite marcher à contre-sens. » 

 


Pour écouter la table ronde, cliquer ICI.

Pour (re)découvrir notre proposition de revenu universel, cliquer ICI.

Pour (re)lire notre rapport « Pour une révolution normative », cliquer ICI.

 

Publié le 03/10/2023.

Légalisation du cannabis : après l’Allemagne, la France ?

Au micro de la radio belge RTBF, notre responsable des relations institutionnelles Sacha Benhamou se félicite de l’avancée de nos voisins allemands vers la légalisation du cannabis. La France, bientôt cernée, saura-t-elle trouver la voie de la raison (libérale) ?

 

L’Allemagne veut instaurer des « cannabis social club », c’est-à-dire des lieux de pratique collective de l’auto-culture. Il s’agit en réalité d’un pas de plus vers l’objectif réel : la mise en place d’un modèle plus industriel comme aux États-Unis ou au Canada. L’Allemagne (tout comme les Pays-Bas et le Danemark) a d’ailleurs inscrit dans son projet de loi une expérimentation de ce mode de consommation. Néanmoins, la Commission européenne y est fermement opposée, au nom du droit communautaire et international. Sacha espère que cette décision allemande fera avancer le débat en Europe.

 

À visée avant tout sanitaire et sécuritaire, ce modèle industriel ferait reculer le crime organisé et le trafic de stupéfiants. En effet, le prix de vente devrait concurrencer le prix du marché noir. Sacha rappelle donc que les pays ayant mis en place ce genre de réformes se sont vus améliorer leur sécurité ainsi que leur qualité de santé publique. Quant aux jeunes (18-21 ans), il apparaît nécessaire de les protéger car on estime que leur cerveau est encore en formation jusqu’aux 25 ans. Pourtant on s’aperçoit que les jeunes fument plus, et ce, de plus en plus tôt. Il faut donc limiter leur accès au cannabis (autorisation de 30g par mois). La limitation est aussi valable pour les adultes, car ces cannabis social club vont permettre d’apporter des moyens de contrôle à cette culture (exigeante) du cannabis et au respect des bonnes pratiques. Il s’agit là du principal enjeu de cette réforme sur le plan sanitaire.

 

Sacha se penche aussi sur les conventions internationales qui entourent la consommation de cannabis, notamment la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. À la suite de la Guerre de l’Opium, les États-Unis ont connu un tournant puritain et ont été les instigateurs de cette convention. L’Union européenne avait ainsi calqué les obligations internationales de ses membres sur cette convention par une décision du Conseil en 2014. Ainsi, le droit prévoit que les États membres se doivent de réprimer les trafics de stupéfiants, mais cette convention prévoit aussi une exception concernant l’auto-culture. Le droit international étant souvent une question de rapport de force, les interprétations des conventions sont multiples. Ainsi, Sacha nous explique que même si la convention interdit de fait le modèle industriel, cette interdiction n’est pas vraiment explicite et visait initialement avant tout à marginaliser les pays producteurs (Afghanistan, Colombie…).

 

Aux yeux de Sacha, la France risque d’être confrontée à un problème de taille à l’avenir car nombre de ses voisins vont légaliser le cannabis récréatif. D’ici cinq ans, nous serons cernés de pays qui auront avancé vers la voie de la légalisation car il s’agit d’une tendance de fond pour tous les membres de l’Union européenne. Pourtant, le journaliste qui interroge Sacha s’inquiète de certaines dérives et le questionne sur l’« effet d’aubaine » à la suite de la légalisation, notamment pour la consommation d’autres drogues. Sacha est plutôt optimiste car une étude menée dans l’État de Washington a montré la diminution générale de la consommation d’autres substances lorsque le cannabis était autorisé.

 


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Pour (re)lire notre rapport « Pour un marché libre du cannabis en France », cliquer ICI.

 

Publié le 02/10/2023.

Décentralisons l’école pour de meilleurs résultats

Dans sa chronique pour l’Opinion, notre présidente Monique Canto-Sperber veut croire en une nouvelle chance pour l’autonomie grâce à l’entrée « métaphorique » de l’Éducation nationale dans le domaine réservé du président de la République.

 

Désormais, l’éducation appartient au Président (symboliquement en tout cas…). C’est ainsi que cette rentrée 2023 débute, sous le signe du compromis et du renouveau. En tout cas, c’est ce qu’espère farouchement Monique. Ce domaine, dans lequel se joue « la survie et l’intégrité de la nation », se trouve au coeur de tous nos débats et permettrait surtout de résoudre nombre de problématiques. Monique rappelle d’ailleurs la corrélation entre la qualité de l’éducation dispensée dans un pays et son succès économique. Face aux inégalités, elle souligne aussi le caractère social d’une politique éducative efficace : elle se fait vecteur d’ascension.

« L’éducation semblerait être devenue le couteau suisse permettant de remédier à tout ce qui ne va pas chez nous : les fausses informations, la mobilité sociale enrayée, la séduction du populisme, le regain d’influence des climato-sceptiques (…). »

 

En ces temps de mutations rapides de nos sociétés, Monique rappelle la puissance de l’éducation. Entre intelligence artificielle et disparition de nombreux secteurs, « une éducation solide facilitera les réorientations et permettra surtout d’inventer de nouveaux métiers et des formes inédites d’activités sociales ».

Plus qu’un enjeu économique, l’éducation apparaît pour Monique comme un enjeu démocratique et politique, « un enjeu national ». Elle estime que l’éducation forge et forme chaque citoyen dans une volonté de « rationalité partagée ». Pourtant, Monique s’inquiète du niveau actuel de l’école en France qui ne cesse de se dégrader et appelle à « une initiative résolue du chef de l’État ».

« Que les savoirs fondamentaux soient solidement acquis, que tous les élèves aient les mêmes chances de réussite, que les plus fragiles soient portés au plus loin de leurs capacités et que les meilleurs puissent exceller, tels sont les objectifs à atteindre. »

 

Pour ce faire, Monique liste trois solutions. Tout d’abord, l’Éducation nationale doit être décentralisée. Nos élèves ne doivent pas être victimes de leurs origines sociales. Ensuite, elle appelle à revenir aux fondamentaux : langue française, esprit scientifique, culture générale… Quant à la question épineuse de la formation des enseignants, Monique se veut flexible mais intransigeante : elle devra être « certifiée de manière indépendante au moment du recrutement ».

« La France était, disait Thibaudet, la république des professeurs, elle va bientôt devenir la république sans professeurs en raison de la dégradation de leur situation sociale et professionnelle et du manque d’exigences dans les objectifs de formation. »

 

La méthode de « l’uniformisme et du centralisme », qui a présidé à la massification scolaire dans les années 70, n’a pas fait ses preuves. Il est donc temps d’en finir. Notre présidente plaide pour une « véritable autonomie stratégique » : plus de liberté et de pouvoir de décision aux chefs d’établissement et leurs équipes. Leur faire confiance apparaît plus que nécessaire, car ils sont les plus à même de déterminer les besoins et enjeux réels sur le terrain.

« Quel beau paradoxe serait que la revendication de ce domaine réservé par le chef de l’État le conduise à reconnaître la responsabilité des acteurs de terrain dans le lieu même où l’éducation est, pour chaque élève, un défi particulier, et plus seulement une cause nationale. »

 


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Publié le 28/09/2023.

Pornographie : réguler plutôt qu’interdire

Dans un excellent article pour AOC, notre expert Daniel Borrillo s’oppose au caractère abolitionniste du dernier rapport du Sénat sur la pornographie, au nom de la défense des libertés publiques et des droits fondamentaux. 

 

Il y a près d’un an (le 28 septembre 2022), le Sénat dévoilait un rapport intitulé « Porno : l’enfer du décor ». Ce rapport trans-partisan, porté par Laurence Rossignol, Annick Billon, Alexandra Borchio-Fontimp et Laurence Cohen, fait de la lutte contre la violence pornographique une priorité de politique publique. L’objectif est simple : abolir l’industrie du porno.

« Comme toute idéologie, le prohibitionnisme vise l’absolu (la disparition de la pornographie) et refuse tout compromis tendant à améliorer les conditions de production et distribution d’images érotiques. »

 

Daniel, juriste et fervent défenseur des droits fondamentaux, dénonce une ingérence illégitime de l’État et une « violation à la vie privée, à la liberté d’expression, à la liberté de commerce et à celle d’industrie ». Bien entendu, Daniel rejoint la lutte contre la pédopornographie et la diffusion d’images aux mineurs, ainsi que contre certains modes de fonctionnement abusifs de cette industrie. Néanmoins, il refuse les amalgames faits par les pro-abolitionnistes quant à la consommation d’images pornographiques par des adultes. 

« La lutte contre la prostitution et la pornographie (et plus généralement contre la liberté sexuelle) est menée de nos jours par des associations féministes radicales et de femmes politiques « progressistes » lesquelles prétendent imposer une morale sexuelle non pas au nom des bonnes mœurs mais en invoquant la dignité humaine. »

 

Le rapport, qui se prétend être une nouveauté dans la « bibliographie institutionnelle », propose une définition de la pornographie biaisée. Les rapporteures entretiennent une confusion entre les abus liés à ce domaine et l’activité elle-même. L’activité pornographique est assimilée à une violence systémique faite aux femmes, inscrite dans une culture du viol au sein de notre société. Daniel appelle à se détacher de cette notion de « culture du viol », qui, utilisée comme un outil militant, « transforme la violence individuelle en une arme du patriarcat pour dominer les femmes ». 

« S’il est possible de faire la distinction entre fiction et réalité lorsqu’il s’agit de films de guerre pourquoi serait-il impossible de la faire s’agissant de films de cul ? »

 

In fine, Daniel dénonce un rapport vide de propositions qui pourraient réellement améliorer les conditions de travail des acteurs. À l’image de la loi de 2016 sur le travail du sexe, la répression y est la seule solution envisagée. Une fois de plus, l’idéologie prohibitionniste choisit « l’État punitif comme arme politique ». 

« Au nom de la dignité humaine, de la protection de la jeunesse ou de la lutte contre les violences sexistes se cache une entreprise aussi paternaliste que puritaine. »

 

Du point de vue de Daniel, la pornographie devrait être considérée comme « une manifestation de la liberté d’expression ». La volonté d’abolir la pornographie serait liberticide et surtout inefficace. Daniel ne nie pas les abus dénoncés dans cette industrie mais appelle à les solutionner plutôt que d’interdire son exercice. Il souhaite donc faire entrer l’industrie de la pornographie dans le droit commun, au même titre que le travail du sexe. Entre régulation du statut des acteurs et respect de la liberté de commerce, cela permettrait ainsi de professionnaliser le secteur et d’en réduire les effets néfastes.

« Le meilleur moyen de mettre fin aux abus de l’industrie pornographie c’est de la faire entrer dans le droit commun. »

 


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Pour (re)lire notre ouvrage « La famille par contrat », cliquer ICI.

 

Publié le 19/09/2023.

Abaya un problème

Dans sa chronique pour Contrepoints, notre responsable des relations institutionnelles Sacha Benhamou s’inquiète que l’interdiction de l’abaya abîme la liberté sans pour autant contrer le développement du fondamentalisme islamique. 

 

Peu de libéraux se sont attaqués à la question épineuse de l’interdiction des abayas à l’école. Pour Sacha, les comportements individuels (ici le port de l’abaya) ne représentent pas une menace à notre République et ses valeurs. Il explique que la laïcité relève d’un « état d’esprit » et ne se réduit pas à une succession de lois, parfois perçues comme de réelles persécutions, qui vont à l’encontre de notre modèle libéral. 

« On peut douter du fait que le port d’un voile ou d’une abaya par un ou des élèves soient de nature à influencer ses camarades, ou même à nuire à l’enseignement, dont la dégradation est une vraie préoccupation pour tous les parents. »

 

Sacha s’inquiète principalement du risque d’arbitraire dans cette décision d’interdire l’abaya. En effet, comment distinguer une simple robe longue commercialisée par les grandes firmes occidentales, d’une abaya importée du Golfe ? Le critère d’appréciation relèvera donc automatiquement du « préjugé » du corps enseignant et donc, de critères purement arbitraires liés au profil des jeunes femmes qui la portent. En qualité de libéral engagé, Sacha refuse d’accorder une légitimité à cette interdiction au nom de la laïcité, puisqu’elle « vise en réalité à lutter contre une expression culturelle, ce à quoi les libéraux complets ne pourront pas se résoudre ». 

« Avec l’abaya, le risque d’arbitraire est plus présent que jamais. (…) Faudra-t-il aller jusqu’à interdire la pudeur ? »

 

S’il ne s’oppose pas au port de l’abaya, sous quelque motif que ce soit (par foi ou par pudeur), Sacha appelle à recentrer le débat sur la lutte contre le fondamentalisme. Il s’agit bien évidemment du combat principal que nous devons mener, sans accuser les jeunes filles portant l’abaya d’en faire partie mais en les protégeant d’une « stratégie de subversion de la démocratie libérale par des mouvances fréristes ou fondamentalistes » dont elles sont parfois les instruments. 

« Si l’islamisme s’accommode de la démocratie libérale tant qu’il peut retourner ses armes contre elle, elle n’a survécu nulle part où il a dominé. »

 

Sacha s’inquiète comme nous tous de la progression du fondamentalisme religieux, qui lui, met en danger notre modèle de démocratie libérale. Il appelle donc à proposer d’autres solutions, plus respectueuses de notre doctrine, qui viseraient à lutter contre l’extrémisme et ne seraient pas inscrites dans une simple « guerre culturelle ». L’objectif est de lutter contre « tout mouvement identitaire » opposé à nos valeurs démocratiques. 

« Ce jeu de rapport de force entre les provocations islamistes et les interventions législatives ne résoudra rien. (…) Par ailleurs, combattre les manifestations religieuses, c’est ne s’attaquer qu’aux symptômes. »

 

Le fondamentalisme ne pouvant être combattu par la loi, Sacha rappelle l’importance de défendre notre démocratie face à un « front anti-occidental ». Il faut renforcer notre discours occidental afin de rendre notre modèle « désirable et fédérateur ». 

« Nous devons réenchanter l’idée de la liberté comme source de progrès social et humain, faire entendre que la liberté individuelle n’est pas un déracinement mais la possibilité de revendiquer des racines complexes et entremêlées pour se soustraire au conformisme du clan. »

 


Pour lire la chronique de Sacha, cliquer ICI.

 

Publié le 15/09/2023.

Ni woke ni antiwoke

Dans sa chronique pour L’Opinion, notre ancien directeur Maxime Sbaihi s’oppose au wokisme comme à l’antiwokisme et dénonce une logique mortifère où la radicalité répond à la radicalité, empêchant la nuance et le débat d’idées. 

 

Pour Maxime, le wokisme est une idéologie qu’il faut combattre. Ce « totalitarisme déguisé en progressisme » dont la « pierre angulaire est l’intolérance » s’attaque directement à la liberté d’expression et s’oppose au débat d’idées.

Cependant, pour le chroniqueur, le mouvement fait l’objet d’une attention disproportionnée là où les sondages montrent que la plupart des Français ne s’intéressent pas au sujet, tant son « fond biologisant et déterministe est en contradiction avec les valeurs des Lumières et de notre universalisme républicain » français. Et même aux États-Unis, le mouvement semble faiblir.

« Tous ces anti-wokistes autoproclamés finissent par adopter les mêmes méthodes et attitudes qu’ils prétendent combattre. […] Le piège du wokisme est de convertir, à l’usure, certains de ses détracteurs aux réflexes de l’illibéralisme et de l’intolérance. »

 

Face au mouvement, une opposition s’est constituée autour de l’antiwokisme. Pourtant, loin de promouvoir le dialogue et l’ouverture d’esprit, cette opposition se cristallise autour de figures qui souhaitent interdire la pensée woke pour la combattre, soit appliquer les mêmes méthodes que celles qu’ils disent combattre.

Dans les rangs trumpistes jusqu’à Ron DeSantis, aux États-Unis, au nom de l’antiwokisme on interdit des livres et restreint la liberté d’expression. Inquiétant, en France, Marine le Pen semble avoir pris la décision de mener ce combat en France. Le débat public se retrouve ainsi parasité par une confrontation entre deux extrêmes qui ne supportent plus la nuance et la modération. Face au wokisme, il faut donc résister au piège de la radicalité inverse sans abandonner le terrain de la bataille des idées.


Pour lire la chronique de Maxime, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Pour rétablir la liberté d’expression », cliquer ICI.

 

Publié le 21/06/2023.

Retraites : bilan d’une démocratie abimée

« La démocratie française a-t-elle été abimée ? » Notre présidente Monique Canto-Sperber répond « oui » à la question de Patrick Cohen dans l’émission L’Esprit public, en compagnie de Vincent Martigny, Dominique Schnapper et Bastien François sur France culture

 

Si Monique ne remet pas en cause la nature démocratique des procédés qui ont été employés par le Gouvernement pour faire passer la réforme des retraites, elle reconnaît toutefois volontiers que la pratique actuelle de la démocratie n’est pas idéale.

D’abord, elle regrette le « pluralisme » actuel qui prend la forme d’une  « prise en tenaille » du parti de la majorité par deux partis « qu’on qualifie d’extrémiste » et ainsi « oppose le raisonnable à l’extrémisme » et empêche toute la variété des opinions de la société française de se reconnaître au sein de l’Assemblée.

Par ailleurs, elle s’interroge sur l’exercice proprement « libéral » du pouvoir démocratique : bien que le problème ne soit pas propre à la France, elle déplore la personnalisation du pouvoir qui amène à une centralisation et une « dérive décisionnaire » de l’exercice du pouvoir politique. Face à l’affaiblissement du Parlement, il faut « construire une légitimité politique qui dépasse la légitimité procédurale ».

« Notre pluralisme n’est pas à mes yeux le pluralisme idéal car c’est un pluralisme qui oppose le raisonnable à l’extrémisme. La diversité de la société française ne se reconnaît pas dans ce type d’Assemblée qui est manifestement incapable de traiter la conflictualité des opinions. »

 

Monique poursuit en rappelant qu’ « une Assemblée est construite sur des partis ». Or « nous avons un parti majoritaire dont on se demande encore quel en est la ligne directrice, quelle en est l’histoire, quelles en sont les valeurs ». Dans leur fonctionnement, Renaissance comme LFI sont adossés à une personnalité ce qui, selon elle, prive l’Assemblée d’un véritable pluralisme. Par ailleurs, compte tenu du dilemme que présentaient les deuxièmes tours des élections de 2017 et 2022, il lui semble discutable de conclure des résultats des votes une pleine adhésion du peuple aux idées du parti de la majorité.

« Nous avons un gouvernement bienveillant : mais imaginez qu’un gouvernement beaucoup plus autoritaire et avec d’autres intentions arrive au pouvoir : les pratiques sont établies, le frayage est fait. C’est un message assez inquiétant à présenter. »


Pour écouter l’émission, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Déprésidentialiser la Ve République », cliquer ICI.

 

Publié le 12/06/2023.

Twitter / Musk vs. Barrot : laissons parler les imbéciles !

Notre chargé d’études Rafaël Amselem et notre directeur Christophe Seltzer réagissent aux menaces d’interdiction de Twitter proférées par le ministre Jean-Noël Barrot dont ils critiquent le caractère liberticide et contreproductif.

 

Dans sa tribune autour Le Figaro, Rafaël note le caractère illusoire de la mesure : en voulant interdire Twitter si jamais l’entreprise refuse de se conformer aux normes européennes en matière de désinformation en ligne, le Gouvernement a l’espoir d’endiguer la propagation des fausses informations. Cependant, comme le note notre chargé d’études, « les fausses informations n’ont pas besoin de Twitter pour prospérer » et « les professeurs du complotisme trouveront d’autres endroits, comme ils l’ont toujours fait, et leur audience les suivra, comme elle l’a toujours fait ». En attaquant Twitter, le Gouvernement se trompe de cible : plutôt que d’attaquer ceux qui propagent de fausses informations, il s’en prend à l’espace de parole en lui-même.

 

« Peut-être serait-il plus judicieux de s’attaquer aux dérives sectaires plutôt que de menacer des plateformes traversées par des discours pluriels. » – Rafaël Amselem

Au-delà de l’inutilité de la réforme, Rafaël voit dans la menace proférée par Jean-Noël Barrot le renforcement du contrôle de l’exécutif sur la liberté d’expression. Face au despotisme qu’impose Elon Musk chez Twitter, le Gouvernement réagit de la même manière en voulant imposer ses propres règles : les deux coercitions « convergent ainsi dans un conflit liberticide, qui n’a d’autre victime que l’expression publique et les principes si essentiels de la démocratie libérale ».

 

« En se présentant comme le rationnel par défaut, le gouvernement s’autorise la détermination du cadre de l’expression publique. » – Rafaël Amselem

De son côté, Christophe développe les arguments de la tribune de Rafaël dans un entretien accordé à CNEWS. Face à la volonté populiste de « s’ériger en temple de la raison » en menaçant d’interdire la plateforme, Christophe rappelle néanmoins, suivant les principes de John Stuart Mill, la nécessité de lutter contre les propos insultants, diffamants et incitant à la violence. Pour ce faire, il préconise plutôt de faire respecter les dispositions du Code pénal en la matière sur les réseaux. Il souligne par ailleurs que tout n’est pas à jeter dans le règlement européen à venir, notamment en matière d’encadrement des algorithmes.

 

 

« Notre premier sujet est de permettre à toutes les opinions d’exister afin que quand un imbécile s’exprime quelqu’un puisse lui opposer des arguments en face. » – Christophe Seltzer


Pour lire la tribune de Rafaël, cliquer ICI.

Pour regarder l’entretien de Christophe, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Pour rétablir la liberté d’expression », cliquer ICI.

 

Publié le 06/06/2023.

« Cancel culture » : quand l’annulation tue le débat

Invitée par Augustin Trapenard dans La Grande Librairie, notre présidente Monique Canto-Sperber débat avec Gisèle Sapiro et Douglas Kennedy sur la liberté d’expression et s’oppose à la réécriture des classiques de la littérature.

 

Interrogée au sujet de la « cancel culture« , Monique revient sur la double logique à l’œuvre à l’origine du phénomène de cancel culture dans les années 1990 : l’annulation d’interventions de conférenciers avant même qu’ils n’aient pu parler, sur la seule base de leur réputation, et le refus du débat d’idées au sein même de l’université qui est pourtant le lieu de discussion par excellence. Monique déplore que, dans ce phénomène, la réaction face à l’offense soit le refus du dialogue, aboutissant à des « chocs d’identités » qui entre elles « ne discutent pas, mais affirment ».

 

« Nous avons un corpus littéraire très ancien et très riche qui appartient au monde où il est né et il est normal que quelques siècles plus tard, la culture d’aujourd’hui ne s’y reconnaisse pas tout à fait. Mais ne pas s’y reconnaître est un constat, demander que pour autant ces livres soient effacés, censurés ou euphémisés, c’est quelque chose qui peut être discuté. »

« La littérature est l’art expérimental par excellence » : l’écrivain peut y explorer tous les types de situations humaines ce qui laisse place à l’exploration du transgressif. Monique rappelle alors la valeur de l’œuvre littéraire comme un témoignage d’une époque passée qui porte les marques des valeurs de la société au sein de laquelle elle est née. Plutôt que de vouloir effacer toute trace d’un temps révolu, il faut bien davantage accompagner ces textes pour les expliquer : libre ensuite au lecteur adulte et responsable d’établir la justesse ou non de ces valeurs passées.

 

« Ouvrir un débat, c’est quelque chose d’extraordinaire ! Mais ouvrir un débat ce n’est pas appeler au silence, appeler à l’effacement, appeler à la disparition. ».

Le débat porte ensuite sur les publications d’œuvres dont les auteurs font l’objet de critiques ou de procès, des pamphlets de Céline à Mein Kampf en passant par les écrits de Gabriel Matzneff. Notre présidente défend son souhait de voir ces œuvres contextualisées plutôt qu’interdites. « La censure ouvre sur l’arbitraire », or « ce qui prête à offense n’est pas strictement défini » et dépend des « cultures », des époques et des « expériences personnelles ». Monique nous met en garde contre cette volonté d’ôter toute « rudesse au monde » qui risque d’aboutir à une « stérilisation du texte littéraire ».

 

« Le problème de la censure en fonction de la sensibilité, c’est qu’elle ouvre sur l’arbitraire ».


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Publié le 05/06/2023.

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