GenerationLibre démythifie le « Grand récit de la mondialisation » (GRM), scandé par les souverainistes de droite et de gauche, qui oppose à une nation immuable la perfide mondialisation.
Sous le feu des accusations depuis la pandémie de la Covid-19, ciblée par les souverainistes des deux rives en cette campagne présidentielle, la mondialisation fait l’objet de toutes les critiques.
Souvent mal définie et mélangeant des phénomènes aussi différents que l’internationalisation, l’universalisation, planétarisation et la libéralisation, la mondialisation est l’objet de toutes les dénonciations afin d’alimenter l’idéologie et le discours nationalistes qui l’opposent à la nation éternelle.
Véritable lieu commun, le lien de causalité simpliste entre la mondialisation et les difficultés rencontrées par les États, que l’auteur nomme « Grand récit de la mondialisation » (GRM), repose sur des approximations chronologiques et une représentation erronée d’un phénomène protéiforme.
Notre mondialisation est en fait celle qui voit la généralisation planétaire de l’État national : jamais l’histoire politique mondiale n’avait compté des États nationaux aussi nombreux et puissants.
Dans cette note, l’historien et maître de conférences à l’École Normale Supérieure Blaise Wilfert démontre que ce qu’on désigne par « mondialisation » est en réalité un phénomène beaucoup plus ancien. Pour ne prendre que cet exemple, les circulations intercontinentales d’envergures, comme celles liées au pèlerinage mecquois, datent d’un millénaire et ont contribué à mettre en place les premières formes de contrôle international des épidémies à la fin du XIXe siècle.
L’auteur montre également que l’État-nation, supposément enraciné dans le passé, est en fait une réalité toute récente à l’échelle historique, qui n’a jamais été aussi répandue, solide et puissante que de nos jours.
En reprenant le récit croisé des mondialisations que notre monde a connues depuis l’an 1000 et de l’invention de l’État national depuis le milieu du XVIIIe siècle, Blaise Wilfert fait apparaître que ces deux dynamiques (mondialisation et État-nation) sont profondément liées entre elles.
En effet, l’intensification des flux et la multiplication des connexions à longue distance dans le monde ont favorisé la construction d’un État interventionniste, mobilisateur, régulateur et organisateur foncièrement transnational, c’est-à-dire d’autant plus puissant qu’il est étroitement et solidement lié aux autres États, et donc capable de maîtriser et d’orienter les flux qui animent en permanence la société industrielle.
Pour Blaise Wilfert, notre mondialisation est en fait celle qui voit la généralisation planétaire de l’État national : jamais l’histoire politique mondiale n’avait compté des états nationaux aussi nombreux et puissants. Bien loin de marquer sa défaite, l’intégration mondiale est en fait le moyen réel et l’horizon logique du souci démocratique d’orienter collectivement la société industrielle.