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L’intégration européenne précède l’avènement des nations

L’intégration européenne précède l’avènement des nations

Dans Le 1 hebdo, Blaise Wilfert, historien et auteur de notre dernière note “La Mondialisation n’a pas eu lieu”, revient sur le procès en illégitimité fait à l’Union européenne. Loin du récit mythifié de la nation, l’intégration européenne est l’avenir du continent. 

 

On connaît désormais tous le blabla souverainiste déclamé à tout bout de champ dans les médias, quels qui soient, par des politiques ou intellectuels hostiles au dehors. La nation serait immuable voire transhistorique, son institutionnalisation au XIXe siècle ne serait que la concrétisation téléologique d’un phénomène qui n’attendait plus qu’à devenir politiquement ce qu’il était naturellement. Ainsi, la nation serait le lieu du commun, de la solidarité et de la tradition, à laquelle ferait face une Union européenne nouvelle voulue par des élites et pensée contre les peuples pour les déraciner et les soumettre aux besoins du marché. Le temps passe mais les critiques ne changent pas : l’Europe serait néolibérale pour les uns, impériale pour les autres.

Pour Blaise, l’invasion russe de l’Ukraine fait ressurgir l’analyse culturaliste que les sciences sociales s’évertuent à évacuer. Poutine leader national d’une grande Russie fantasmée ne ferait rien d’autre qu’ordonner l’Histoire et de ramener une nation fantoche, pire néonazie, dans un giron slave qu’elle aurait regrettablement quitté. Pourtant, comme le souligne Blaise, c’est cette même vision culturaliste faite de peuples supposément enracinés et de frontières légitimes qui a engendré en Europe, dès les années 1850, des annexions, des épurations ethniques et l’asservissement de populations à d’autres. Si depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, compte tenu de la bipolarisation géopolitique que connaissait l’Occident entre les 2 blocs américain et soviétique, le phénomène avait pu être stoppé, il nous est revenu dans la figure comme un boomerang en raison de la guerre en Ukraine.

« Les nations sont récentes, et l’Europe des nations, de l’Atlantique à l’Oural, pourrait être un cauchemar. »

Blaise rappelle que le 16 mars 2022, le réseau électrique ukrainien a été rattaché à celui de l’Europe. Si cet évènement est resté inconnu du grand public, la prouesse n’en est pas moins extraordinaire et témoigne de la puissance de l’intégration européenne. Cette forme d’intégration spécifique que Blaise nomme “l’Europe des réseaux” jonche le sol de notre continent. Bien antérieure aux “nations” et à l’Union européenne, l’intégration européenne par le biais des interactions entre les différentes entités politco-historiques qui se sont succédées sur le sol européen n’est pas nouvelle.

« L’Union européenne ne devrait pas être considérée comme un effort technocratique pour effacer les politiques nationales : elles est au contraire, dans une large mesure, une politisation (et un approfondissement) d’une intégration technique qui l’a précédée. »

Du réseau de banques centrales européennes animant et stabilisant la circulation des capitaux, en passant par le partage d’une monnaie d’échange commune entre les différents pays de l’Union Latine – Suisse, Italie, France, Belgique et Grèce – jusqu’à la constructions de réseaux routiers transnationaux au début du XXe siècle, il est évident que l’intégration européenne n’a pas attendu la forme politique de l’Union pour se faire.

Et que dire de l’Europe des réseaux qui anima le continent dès les périodes médiévale et moderne. “Les circulations des savants, dans la « République des lettres » des académies, des cours et des universités ; les circulations des religieux, de l’Europe médiévale à travers le réseau des abbayes bénédictines, cisterciennes, des couvents franciscains, jusqu’aux missionnaires envoyés de par le monde depuis leur séminaire paneuropéen de la Propaganda Fide à Rome ; les réseaux à la fois européens et mondiaux de l’Europe protestante ; les diasporas juives, dès le développement de la monarchie polonaise, mais encore plus à partir de leur répression par les monarchies ibériques ” composent une liste non-exhaustive énoncée par Blaise pour rappeler aux souverainistes que loin d’être le bourreau des nations, l’intégration européenne qui les précède est aussi leur avenir.


Pour l’article de Blaise dans Le 1 hebdo, cliquer ICI.

Pour lire notre note rédigée par Blaise “La mondialisation n’a pas eu lieu”, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport “Europa : dépasser le nationalisme”, cliquer ICI.

 

Publié le 05/05/2022.

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