La liberté de conscience, un rempart à la « décivilisation »

Dans sa chronique pour L’Opinion, notre présidente Monique Canto-Sperber défend la liberté de conscience et d’expression face au risque de « décivilisation » qui menacerait une société incapable d’assumer comme de tolérer une diversité de points de vue.

 

Monique commence par revenir sur le sens moderne de la liberté, définie par la délimitation d’un espace privé et totalement indépendant de pouvoirs extérieurs, qu’ils soient sociaux ou politiques, une sphère protégée où l’individu peut agir selon ses propres convictions. « Ni de droite, ni de gauche », ce principe de liberté « traverse les partages politiques » et fonde toutes les conceptions politiques.

 

« Pareille conception de la liberté [est] présente chez les libéraux de gauche et les anarchistes comme chez l’économiste Friedrich Hayek. »

Cette vision n’est pas celle d’un individu tout puissant dans ses caprices et ses désirs sans bornes, mais d’une liberté qui peut se déployer au sein de la société civile, garantie par l’État pour que chacun jouisse de cet espace d’autonomie.

 

« Le vieux rêve d’un contrôle des individus et d’une ingénierie sociale semble du reste réapparaître en version soft dans l’ambition de collecte systématique des traces laissées par les activités humaines afin de prédire nos préférences, pour nous confronter ensuite à une plausibilité statistique de nous-mêmes. »

Cette liberté peut s’exprimer de différentes manières : liberté d’expression, de conscience, d’opinion… et se dresse en rempart face aux forces sociales qui tentent de façonner et contrôler les individus à leur guise. À travers les époques et sous des manifestations différentes, de la liberté religieuse au XVIIème siècle à la Résistance, c’est donc toujours le même principe de liberté qui s’est exprimé face aux autoritarismes cherchant à créer un individu unique et uniforme.

 

« En procédant à cette forme d’euphémisation du monde, en amenant nos enfants à vivre dans une culture où toute trace de racisme est vouée à disparaître, nous créons une situation où ils ne pourront pas comprendre en quoi nos convictions morales d’aujourd’hui sont liées à une histoire et quelle en est la valeur. »

Aujourd’hui pourtant cette liberté est menacée : par la surveillance de masse indiscriminée ou encore la collecte systématique des données censées prédire nos comportements futurs. Surtout, elle est menacée lorsque certaines opinions sont jugées inadmissibles et inaudibles au sein d’une société, et qu’il est refusé par principe de les discuter. Selon Monique, le processus d’« euphémisation du monde » qui vise à lui retirer toute sa « rudesse » (comme modifier des occurrences racistes ou oppressives dans les écrits du passé) ne peut mener qu’à une homogénéisation de la pensée, et in fine à une société incapable d’interroger ses propres convictions ni d’être en mesure de les défendre, car incapable de les comprendre. Pour Monique, là résiderait vraiment une « décivilisation ».

 

« A ne tolérer que ce qui est semblable à nous, nous ne deviendrons plus qu’une société d’individus aux jugements réflexes, qui auront oublié la liberté si précieuse de délibérer en soi-même et de se faire son propre jugement. »


Pour lire la chronique de Monique, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Pour rétablir la liberté d’expression », cliquer ICI.

 

Publié le 31/05/2023.

Repenser le travail au XXIe siècle

Invitée à introduire la conférence intitulée « (Re)penser le travail » organisée à l’Assemblée nationale par Aurélien Pradié (député LR du Lot), notre présidente Monique Canto-Sperber appelle à étudier la question sous un prisme plus moderne et plus libéral. 

 

Aurélien Pradié se penche sur la place du travail dans notre société avec plusieurs collègues députés et experts. Le but est de « repenser le travail dans notre société pour aujourd’hui et pour l’avenir » en évoquant divers sujets comme l’organisation du travail, la rémunération, la formation ou encore la participation.

Notre présidente rappelle sa conviction que le travail est nécessaire à l’organisation de nos sociétés. Il s’agit d’une question clé pour l’avenir de la société, tant au niveau de la liberté que de l’autonomie des êtres humains. Monique retrace l’histoire du travail et rappelle que dès la fin des années 90, des secteurs entiers du travail salarié et des services ont été condamnés, notamment à cause de la robotisation (éducation, santé, administratif…). Une nouvelle réflexion est alors née du « grand scepticisme » à l’égard du travail. Nous avons trouvé plus de fluidité, de souplesse et d’engagement dans le travail. Tout cela nous pousse aujourd’hui encore à réinventer le travail. 

 

« D’une certaine façon, cette prise de conscience collective sur l’importance du travail dans nos vies a été tout à fait salutaire. » – Monique Canto-Sperber

Monique observe une grande effervescence des thématiques évoquées ces dernières années. La crise sanitaire a permis de libérer l’expression de beaucoup d’aspirations. Elle s’est révélée être un moment clé, où les craintes et les inquiétudes des citoyens ont pu s’exprimer. Malheureusement, il y a aussi une forme de « désaffection » de la notion de travail, tant aux États-Unis qu’en France. 

 

« La crise sanitaire du Covid est apparue comme un extraordinaire dispositif d’observation sur les mutations du travail. » – Monique Canto-Sperber

 

Les débats sur la réforme des retraites se sont focalisés sur la question de l’âge de départ, mais d’autres problématiques plus importantes en ont été écartées. Il est donc nécessaire de ramener dans le débat des questions telles que le travail des jeunes, les nouvelles formes de travail, l’auto-entrepreneuriat, le rapport entre travail et temps libre… Monique propose de donner plus de sens aux pratiques, de décider de notre manière de travailler, d’obtenir plus d’autonomie… Certaines études soulignent une baisse de la productivité des salariés sur leur lieu de travail, mais Monique estime que l’efficacité devrait s’évaluer en fonction des tâches accomplies et non pas du nombre d’heures effectuées. 

 

« Les nouvelles formes de travail hybrides ont permis d’assouplir considérablement la notion de temps de travail. » – Monique Canto-Sperber

De son côté, dans sa chronique de la semaine pour l’Opinion, notre ancien directeur Maxime Sbaihi appelle à revaloriser le travail. Pour lui, les Français « sont plus que jamais au boulot » mais le travail ne permet plus vraiment de gagner sa vie.

Il dénonce lui aussi des débats biaisés lors de la réforme des retraites. Pour Maxime, les Français étaient contre le texte, mais pas contre le fait de travailler ! D’ailleurs, les chiffres de l’INSEE le prouvent : « Au-delà des chiffres exceptionnellement bas du chômage, qui frôlent leur meilleure performance sur trente ans, c’est la vigueur du taux d’activité qui frappe : sur la tranche de référence des 15-64 ans, il a grimpé à 74  % l’année dernière en France. »

 

« Ni paresseux, ni torturés, les Français sont au travail et heureux à la tâche. Ce constat doit être rétabli dans le débat public et former le point de départ de la réflexion autour du « pacte de la vie au travail » lancée par le gouvernement. » – Maxime Sbaihi

 


Pour regarder l’intervention de Monique à l’Assemblée Nationale, cliquer ICI.

Pour lire la chronique de Maxime, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Travailler demain », cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « L’auto-entrepreneur, la révolution en marche », cliquer ICI.

 

Publié le 25/05/2023.

Covid-19 : garder un oeil sur les libertés

Avec la loi du 30 juillet 2022 « mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid-19 », la France a connu son « jour de libération ». Depuis cette date, la quasi-totalité des restrictions aux droits et libertés fondamentales liées à la pandémie de covid-19 ont été levées.

 

Plus de deux ans après la début de la crise sanitaire, la France a enfin retrouvé un fonctionnement institutionnel normal. L’état d’urgence sanitaire a même disparu de notre ordre juridique. On notera, parmi les quatre mesures qui subsistent, la vaccination obligatoire pour le personnel soignant et la conservation des fichiers recueillant l’identité des personnes touchées par la Covid-19 et vaccinées contre elle. Ces règles ne paraissent pas illégitimes.

Notre travail n’est néanmoins pas terminé. L’Observatoire des Libertés Confinées reste actif, prêt à être mis-à-jour si de nouvelles mesures devaient être prises. Base de données précieuse, il témoigne de l’ampleur des restrictions apportées aux libertés des Français durant la crise.

Avec son chercheur associé et juriste Vincent Delhomme, GenerationLibre démarre une nouvelle série de travaux consacrés aux libertés publiques et à leur évolution ces dernières décennies.


Pour consulter notre Observatoire des Libertés Confinées, cliquer ICI.

 

Publié le 16/09/2022.

De l’autonomie pour l’Éducation nationale

Ce lundi 25 juillet, l’Opinion consacre sa Une à notre nouveau rapport, signé Monique Canto-Sperber, qui propose d’insuffler de l’autonomie dans l’éducation nationale. 

 

Le système éducatif français à des allures de colosse aux pieds d’argile. Dans un pays qui a fait de l’éducation le premier levier de l’émancipation des citoyens, force est de constater que la mécanique est grippée. Les métiers de l’enseignement n’attirent plus, les chefs d’établissements sont sous-payés et sous-formés par rapport à leurs collègues européens et les études PISA révèlent qu’à rebours des principes assignés à l’éducation – au premier rang desquels figure l’égalité – notre système éducatif est l’un des plus inégalitaire d’Europe entre les élèves issus de milieux sociaux favorisés et défavorisés.

S’intéressant aux questions éducatives depuis plus de vingt ans, l’ancienne directrice de l’ENS s’est donnée pour mission, dans notre nouveau rapport, de briser un tabou français en posant la question de l’autonomie des établissements scolaires publics. S’il est vrai que notre culture commune est faite d’« emphase républicaine » avec un « goût prononcé pour l’égalité », l’autonomie que promeut Monique Canto-Sperber ne s’y oppose pas et vise au contraire à renforcer la dimension égalitaire de l’école républicaine. Car en réalité, un système qui se voudrait véritablement égalitaire ne se soucierait pas de défendre l’atavisme d’une pédagogie nationalement partagée mais chercherait à résorber la dégradation du niveau des élèves ainsi qu’à mettre fin à la persistance de fortes inégalités sociales.

« J’ai pris la mesure du fait que depuis vingt ans, le terme « autonomie » était présent dans la quasi- totalité des textes de lois mais sans être présenté comme un principe de l’organisation scolaire. Ces recommandations sont restées sans effet, comme si manquait la volonté politique. »

En étudiant les occurrences du principe d’autonomie dans notre histoire contemporaine de l’éducation, Monique se dit surprise d’avoir constaté que d’illustres figures politiques de la fin du XIXe siècle comme Léon Bourgeois et Jules Simon défendaient ce principe pour l’organisation scolaire du pays. Selon Monique, tous deux avaient compris la possibilité de concilier une organisation libérale de l’éducation avec le principe d’émancipation dévolu à l’école. S’il est, comme le rappelle Monique dans le rapport, du devoir de l’État de s’assurer que l’éducation soit « obligatoire, laïque et gratuite, le socle du pacte civil et la condition de l’émancipation des citoyens à l’égard de toute tutelle religieuse ou identitaire », nul besoin pour lui d’assurer directement la gestion de tous les établissements scolaires publics du pays.

Si elle salue l’expérience marseillaise d’accorder une forme d’autonomie à une soixantaine d’établissements scolaires, Monique conçoit cependant une autonomie plus élargie incluant la pédagogie. Pour l’ancienne directrice de l’ENS, l’autonomie est la clé pour résoudre la crise des vocations qui touche les métiers de l’enseignement en revalorisant la profession et en dispensant des formations régulières aux enseignants (domaine dans lequel la France figure en bas du classement des pays de l’OCDE).

« Il y aura des écoles « autonomes » publiques et d’autres restées dans le système actuel. Cela créera un peu d’émulation. Le paysage d’ensemble ne changera pas fondamentalement. »

Bien sûr, Monique anticipe les sempiternelles oppositions exprimées contre l’autonomie scolaire : marchandisation et privatisation de l’éducation, immixtion du dogmatisme religieux, anarchie pédagogique et professeurs tire-au-flanc. Comme le veut l’adage, on ne juge pas un livre à sa couverture ! Dans notre rapport, Monique étudie et analyse les politiques publiques en matière d’éducation menées dans trois pays : Suède, Angleterre et États-Unis. S’inspirant des éléments encourageants comme l’amélioration du niveau scolaire des élèves défavorisés aux États-Unis et en Angleterre, la chercheur pointe également les manqués comme la gestion de certains établissements scolaires en Suède par des acteurs privés dans le but de réaliser des profits.

En accord avec la tradition républicaine française, GenerationLibre propose de permettre aux établissements scolaires publics, de la maternelle au lycée, de s’autonomiser en nouant un contrat d’objectifs avec l’État et les collectivités territoriales. Le contrat est le texte fondateur présentant les éléments qui justifient l’autonomie, ses objectifs et sa stratégie pour y parvenir. Le contrat devra prendre en compte les spécificités sociales, économiques, démographiques, culturelles, voire linguistiques de l’environnement au sein duquel évolue l’établissement. Il s’agirait donc d’accorder une plus large autonomie de gestion, financière et pédagogique, tout en maintenant une place essentielle à l’État dans la conclusion de ces contrats, ainsi qu’à la sanction de leur non-respect.


Pour lire la Une de l’Opinion consacrée à notre rapport, cliquer ICI.

Pour lire l’entretien de Monique Canto-Sperber dans L’Opinion, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport  « Un contrat pour les établissements scolaires », cliquer ICI.

 

Publié le 27/07/2022.

Quel libéralisme soutenable au XXIe siècle ? – Gaspard Koenig

Interrogé par RTBF, Le Figaro et Radio Classique, Gaspard Koenig, analyse les défis contemporains du libéralisme. Face au pragmatisme utilitariste et à la planification écologique, il plaide pour un libéralisme radical confiant dans l’ordre spontané. 

 

Dans l’entretien accordé à la première chaîne de télévision belge, Gaspard revient sur les crises que nous vivons actuellement : la récente pandémie et les bouleversements écologiques. Selon lui, ces crises testent nos démocraties libérales. Malgré des réponses étatiques centralisées, Gaspard estime qu’elles se sont globalement solidifiées dans l’épreuve. Dans les régimes autoritaires où l’information est cadenassée, les exécutifs ont au contraire pâti de ces crises. En Russie, la crainte de la hiérarchie a conduit toute la chaîne de commandement militaire à occulter aux sommets de l’État, la réalité de l’armée. Résultat : la Russie s’embourbe dans un conflit qui devait être une promenade de santé. De son côté la Chine qui a masqué le début de la pandémie se retrouve engluée dans sa stratégie autoritaire du zéro covid et peine à s’en sortir.

Il faut donc en conclure que libéralisme est mieux armé pour se prémunir des crises. Néanmoins pour qu’il perdure, il est nécessaire qu’il sache se renouveler au gré des époques. À l’instar du colloque Lippmann des années 1930, durant lequel la doctrine libérale avait été fortement remodelée et s’était imposée dans les grandes institutions internationales, le libéralisme se doit d’être à l’avant-garde des défis à venir. En ce sens, Gaspard rappelle le travail accompli par GenerationLibre via la publication de rapports aux propositions novatrices sur le revenu universel et la propriété privée des données personnelles.

« La simplification n’était pas le thème unique mais le point d’entrée qui me permettait de décliner les propositions sur lesquelles je travaille depuis longtemps comme le revenu universel, la propriété des données, l’autonomie locale, le droit du vivant, etc. »

Quant à savoir si les difficultés ressenties pendant la crise covid l’ont amené à s’interroger sur le libéralisme – en raison des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement et de l’interventionnisme économique de l’État -, Gaspard répond qu’il s’est davantage questionné sur les fondements théoriques justifiant les décisions étatiques. Il regrette l’opposition santé vs économie qui a orienté toute la politique gouvernementale. Selon lui, il aurait été plus judicieux de se baser sur un modèle de risque « années de vies gagnées / années vies de perdues » comme l’a fait GenerationLibre à l’aide d’une une méthodologie permettant de mesurer les conséquences positives et négatives des confinements sur l’espérance de vie des Français : d’un côté, les années de vie gagnées grâce aux mesures restrictives, de l’autre les années de vie perdues par les déclassements économiques.

Conscient des limites actuelles que rencontre le néolibéralisme – la maximisation outrancière des flux et des profits – désormais décrié par un fort mouvement sociétal qui pousse à en sortir, Gaspard reconnaît la nécessité d’un aggiornamento que les libéraux doivent accompagner. Sur l’enjeu climatique, il affirme que la question n’est de pas savoir si l’État doit ou ne doit pas intervenir lorsque l’humanité est menacée mais comment il le doit. L’État peut décréter la mise en place de contraintes tout en laissant le soin aux individus d’être libres de s’organiser en conséquence. Le modèle incitatif d’une taxe carbone redistribuée aux individus en est la parfaite illustration. À contrario de la planification écologique, le marché constitue la promesse de l’innovation capable d’apporter son lot de solutions à des problématiques qu’on ne peut pas anticiper. En matière d’écologie, l’ordre spontané d’Hayek doit l’emporter sur les projections planificatrices incertaines d’experts endogames.

« La véritable mission de la politique est de construire un idéal pour les citoyens. On peut et on doit porter des propositions radicales, y compris au sein d’un espace raisonnable comme celui du centre. La raison n’est pas condamnée à être pusillanime ! »

Néanmoins, les bouleversements environnementaux obligent Gaspard à s’interroger sur la notion de liberté. Doit-elle se comprendre comme étant simplement la multiplication des possibles, faire ce dont on a envie quand on le désire, ou doit-elle au contraire, s’envisager comme un contrôle de soi entraînant une indépendance vis-à-vis des contraintes extérieures. C’est cette deuxième option stoïcienne qu’il privilégie.

Pour faire face aux défis à venir, le libéralisme doit s’armer de radicalité. Telle que l’entend Gaspard, la radicalité n’est pas l’apanage des révolutionnaires mais consiste en une doctrine capable de dispenser une vision du monde qui nous sorte de la  gouvernance pragmatique à l’oeuvre. Présenté comme une forme apolitique de l’exercice du pouvoir, le pragmatisme n’est en réalité qu’un utilitarisme – hérité de la philosophie bien politique de Bentham et de Saint-Simon – qui ne dit pas son nom. Il faut donc renouer avec les préceptes de la philosophie tocquevilienne qui, pour Gaspard, « placent toujours l’exercice du jugement personnel, du libre-arbitre, de la délibération collective, au-dessus de la bonne gestion qui finit par dévitaliser toutes les passions humaines ».


Pour visionner l’entretien de Gaspard à la RTBF, cliquer ICI.

Pour lire l’entretien de Gaspard dans Le Figaro, cliquer ICI.

Pour écouter l’entretien de Gaspard chez Radio Classique, cliquer ICI.

 

Publié le 30/05/2022.

Pour une radicalité d’extrême-centre – Gaspard Koenig

Pour le premier numéro de la revue Horizons, mouvement d’Édouard Philippe dont il n’est pas membre, Gaspard Koenig fait valoir notre système d’idées empreint d’une radicalité réaliste contre les utopies en tout genre et contre le réformisme sans ambition. 

 

Le scientifique et humaniste Théodore Monod affirmait plein d’enthousiasme et d’espérance que l’utopie « n’est pas l’irréalisable mais l’irréalisé ». Peut-être, malgré lui, valait il mieux qu’il se trompe. Il faut se méfier de la dialectique utopiste qui n’a souvent d’autres fins que son corollaire : la dystopie. Tel est le sens du développement qu’offre Gaspard à la revue Horizons. Fantasmes d’intellectuels structurés autour de grands postulats et brandis comme des idéaux absolus, les utopies n’ont eu de cesse au cours de l’histoire d’alimenter les pires exactions. Abstraction de l’esprit humain, l’utopie justifie au nom de principes suprasensibles érigés en vérités universelles, la mise au ban, l’ostracisation ou la liquidation pure et simple de ce qui lui contrevient.

Philosophiquement,  il a fallu attendre Karl Popper pour réfuter méthodiquement les aspirations utopistes, la simple démonstration de leur irréalisme n’étant pas suffisante pour les repousser. Seule une réfutation politique est à même de dévoiler le caractère néfaste de l’utopie. Gaspard citant Popper le résume bien, « les meilleures intentions de fonder le paradis sur terre ne réussissent qu’à en faire un enfer ». Pour Gaspard nulle utopie n’est souhaitable alors que le communisme et le fascisme semblent avoir laissé la place aux utopies islamistes et au transhumanisme de la Silicon Valley.

« Je me méfie de ceux qui veulent changer la société, ou pire encore, le monde comme on dit dans la Silicon Valley. Ils entendent nous modeler à leur image. »

Dès lors, que faire ? Popper a bien essayé d’apporter une réponse mais transposée dans le réel, elle n’a hélas pas convaincu. Professant la mise en place de réformes prudentes et progressives, « le piecernal social engeering » popperien a entrouvert la voie au néolibéralisme, au règne des experts et à la mise en place d’une gouvernementalité supposément raisonnable. Loin d’évacuer l’État, la gouvernementalité néolibérale l’a renforcé en le dotant d’outils de surveillance accrue et d’une nouvelle biopolitique faite d’injonctions et de nudge.

Ce règne infantilisant, au nom de l’efficience, de le rationalité managériale consacre la défaite de la pensée politique. Pire, elle gouverne le pays. L’utile ou « ce qui marche » fait pâle figure de boussole politique et s’impose à tous, sans contestation possible, comme marche (ou crève) à suivre. Ainsi, a-t-on pu voir se mettre en place durant la pandémie une politique du maintien de la vie au prix d’un « quoi qu’il en coûte » pour nos libertés. Invoquant tour à tour Sénèque, Montaigne ou Rousseau, notre fondateur s’étonne du basculement paradigmatique opéré durant la pandémie et qui a consisté à nous marteler que la longévité humaine est un absolu terrestre.

« Toute la philosophie des propositions que je porte est de maintenir un équilibre entre une approche systémique et des mesures très concrètes. »

Afin de trouver un juste équilibre entre l’utopie brutale et le réformisme technologique contemporain, Gaspard préconise alors de définir un nouveau système d’idées. Subtil équilibre intellectuel, ce système de pensée se doit d’être fluide et en mouvement pour ne pas se condamner à la léthargie intellectuelle. En outre, il doit accepter les contradictions qui l’entourent afin de les dépasser.

L’abbé de Condillac, figure du libéralisme classique au XVIIIe siècle, ne professait rien d’autre dans son traité des systèmes en « enjoignant le lecteur à se méfier des pensées trop rigides, des lectures trop fermées sur elles-mêmes ». Ce système, pour se réaliser et être fidèle à ce qu’il entend être, doit quitter la psyché – le monde des Idées si cher à Platon – pour se confronter au réel et devenir une praxis – une action de transformation de la nature à partir des données réelles. Gaspard rappelle à ce titre l’origine de la création de GenerationLibre, conçu modestement pour émettre des idées concrètement applicables en politiques publiques. De cet aller-retour naît une radicalité réaliste « inspirée des systèmes de pensées et respectueuse des équilibres de la société ».

« Un journal m’a situé à l’extrême-centre. Voilà une case qui me plait bien (…) le centre ne doit pas être timide. Par rapport aux autres familles politiques, il lui faut à la fois être plus radical et moins révolutionnaire. »

Contre les utopies en tout genre – sans immigrés pour Zemmour, sans inégalités pour Mélenchon -, la technostructure étriquée et incapable de sortir de sa prison mentale faite de bureaucratie et de normes tandis que l’élection présidentielle est devenue un simulacre démocratique. Gaspard propose une autre voie guidée par le libéralisme dont le premier principe est de faire confiance au plus petit échelon – l’individu, la commune, l’entreprise – à même de savoir ce qui est bon pour lui et de définir sa propre utopie. Gaspard invite à s’intéresser à nos propositions de politiques publiques : de la simplification à l’autonomie locale en passant par le revenu universel, des projets d’envergures mais à droit et budget constants. La force tranquille de l’extrême centre.


Pour lire l’article de Gaspard dans Horizons, cliquer ICI.

Pour consulter l’ensemble de nos travaux, cliquer ICI.

 

Publié le 11/05/2022.

[Lu ailleurs] Contre le déclinisme, en finir avec le centralisme – Laetitia Strauch-Bonart

Dans son dernier livre « De la France, ce pays que l’on croyait connaître », Laetitia Strauch-Bonart explore la psyché politique française. Contre le déclinisme ambiant, un nouveau pacte social est possible, explique la journaliste. Son principe : en finir avec le centralisme. 

 

Pour la journaliste officiant dans les pages idées, la France pâtit de ce qu’elle nomme « la société de la créance ». Bien loin de la réciprocité matérielle et symbolique du « don – contre don » définie par l’anthropologue Marcel Mauss, Laetitia Strauch-Bonart argue que les demandes permanentes de l’Etat aux Français sont telles qu’ils ont « le sentiment de ne jamais recevoir autant qu’ils ont donné, et ce, même quand ils sont généreusement dédommagés ». Impuissant à répondre aux aspirations citoyennes, le léviathan étatique – métaphore qu’elle reprend à Hobbes – crée pourtant une dépendance chez les citoyens par son omniprésence dans leur vie quotidienne.

« Associée à un centralisme fort, un système présidentiel qui ne permet pas l’expression de la diversité des opinions, des statuts et rentes toujours présents, la faiblesse des intermédiaires entre l’État et les citoyens et  l’asphyxie de la société civile, « la société de créance » est source d’instabilité et de ressentiment. » 

Loin des récits laudateurs d’une France sereine et apaisée au temps de l’Ancien Régime – n’oublions pas les jacqueries et les guerres de religions -, dont le subtil équilibre aurait été rompu par la période révolutionnaire, Laetitia Strauch-Bonart rappelle que l’histoire de France est faite de stasis – dissensions internes au sein d’une Cité-État qui débouchent sur de violentes crises politiques. Pour la journaliste, la crise des gilets jaunes, conforme à cette loi d’airain nationale, pointe l’absence de représentativité politique en France. La « monarchie présidentielle » ainsi que la faiblesse des contre-pouvoirs à l’État sclérosent le débat démocratique et accentuent le fossé qui sépare les Français de leurs institutions. L’abstention croissante et la virulence des messages adressés à l’encontre du Président lors de chaque manifestation contestataire en sont de bons témoignages.

Pensée pour répondre à l’instabilité politique des régimes parlementaires, la prédominance de l’exécutif sur le législatif, très marquée depuis l’entrée dans la Ve République, est aujourd’hui le mal qu’il convient de soigner.

« Le système présidentiel concentre le pouvoir et ne peut représenter réellement les aspirations. Cela empêche même qu’il y ait un débat. »

Laetitia Strauch-Bonart exhorte à la décentralisation du pouvoir ainsi qu’à la  responsabilisation des institutions afin de sortir de ce marasme politique ambiant. Si la seconde perspective fera l’objet d’un prochain rapport de GenerationLibre, notre think thank mène le combat des idées – avec la publication de rapports consacrés à la décentralisation – pour qu’advienne un pacte authentiquement girondin.


Pour lire l’entretien de Laetitia Strauch-Bonart accordé à La Montagne, cliquer ICI.

Pour lire des extraits de son ouvrage, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Le pouvoir aux communes », cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Oser le pacte girondin », cliquer ICI.

 

Publié le 23/03/2022.

[Lu ailleurs] Doit-on conditionner les minima sociaux ? – Julien Damon

Dans Le Point, le sociologue et spécialiste de la protection sociale, Julien Damon, analyse les propositions de Valérie Pécresse et Emmanuel Macron pour conditionner la perception d’un revenu minimum à une activité professionnelle.

 

Quel bilan pour le RSA ? Dans l’entretien qu’il livre au journaliste du Point, Kevin Badeau, le sociologue loue le principe d’un revenu minimum. Preuve de son efficacité, il permet à ses bénéficiaires de « sortir de la misère ». En revanche pour le spécialiste de la protection sociale, force est de constater l’échec de son corollaire : les politiques d’insertion.

« Plus aucun parti politique ne rejette l’idée d’une prestation sociale minimum. Même pas les libéraux ! »

Si juridiquement les propositions de Valérie Pécresse – le conditionnement du RSA à une activité de quinze heures hebdomadaires – et d’Emmanuel Macron – le conditionnement d’un revenu minimum à une activité dont le taux horaire hebdomadaire n’est pas encore défini – sont tout à fait réalisables, dans la pratique elles semblent impossibles à mettre en oeuvre. En cause : le million d’emploi à taux plein qu’il faudrait trouver dans un pays qui compte trois millions de chômeurs.

Julien Damon voit dans le projet du revenu universel d’activité une tentative de simplification de l’ensemble des minima sociaux en une unique prestation. Néanmoins, la complexité d’application de ce chantier pourrait l’ajourner aux calendes grecques.

Dans le même temps, dix-neuf présidents de départements de gauche, des universitaires et des acteurs associatifs interpellent l’Etat, dans une tribune au « Monde », afin d’instaurer un revenu de base, prioritairement pour les 18-24 ans.

« Il y a un certain consensus dans les idées de revenu minimum et de revenu universel. »

A rebours des idées reçues sur le sujet, le professeur associé à Sciences Po explique que l’idée d’un revenu universel se retrouve historiquement parmi les principaux défenseurs du libéralisme et notamment chez les célèbres économistes nobélisés Milton Friedmann et Friedrich Hayek.

GenerationLibre salue la volonté du Président de la République d’automatiser le du versement du RSA – en miroir du prélèvement de l’impôt à la source, mais dénonce le durcissement des conditions pour l’obtenir dans son programme et celui de Valérie Pécresse. Avec GenerationLibre, dans le cadre du prélèvement à la source, il s’agirait d’un montant de 500€ versé automatiquement à tous les Français, en même temps qu’un impôt au taux proportionnel de 30% sur le revenu du mois qui précède, au premier euros près.


Pour lire l’article du Point, cliquer ICI.

 

 

Publié le 18/03/2022.

Covid-19 : combien de restrictions encore en vigueur ?

Piloté par le juriste Vincent Delhomme, notre Observatoire des Libertés Confinées a été mis à jour ce lundi 14 mars. Si la plupart des 54 restrictions sont levées, on en dénombre encore 12 en vigueur, et 5 partiellement levées. La France reste assujettie à un état d’exception, et de nombreux territoires d’Outre-mer demeurent sous l’empire de l’état d’urgence sanitaire.

 

En ce lundi 14 mars 2022, la plupart des restrictions de libertés liées à la Covid-19 sont levées. Le passe vaccinal disparaît pour laisser place à un passe sanitaire exigible uniquement dans les établissements de santé, les maisons de retraite et les établissement pour personnes handicapées. L’obligation de porter le masque s’estompe elle aussi, seuls les établissements de santé et les transports collectifs étant désormais concernés.

La levée de ces restrictions est une excellente nouvelle, deux ans après l’instauration d’un premier confinement qui marqua l’entrée dans une ère de diminution drastique des libertés les plus fondamentales des Français et d’une gouvernance d’exception, d’états d’urgence sanitaire en états d’urgence sanitaire.

En particulier, il y a lieu de se réjouir de la disparition du passe vaccinal et de la transformation du passe sanitaire en un outil véritablement centré sur la protection des plus fragiles. Tel que calibré, le passe sanitaire est une mesure pertinente et proportionnée, bien loin de l’outil de contrôle social massif qu’il était devenu à travers les mois.

Ce « jour de liberté » ne marque néanmoins pas la fin de cet état d’exception. Le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire, qui permet au Premier ministre de jouir de pouvoirs exceptionnels, est toujours en vigueur, jusqu’au 31 juillet 2022. Nombre de territoires d’Outre-mer restent eux sous l’empire de l’état d’urgence sanitaire (Martinique, Guadeloupe, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Guyane, Réunion et Nouvelle-Calédonie).

En outre, comme le montre notre Observatoire des Libertés Confinées, de nombreuses restrictions restent toujours en vigueur : déplacements limités vers et depuis le territoire métropolitain et les territoires d’Outre-mer, outils de surveillance des vaccinés et des malades, changements institutionnels dont on peut craindre le caractère irréversible.

« Ce 14 mars, « jour de liberté » ne marque pas la fin de l’état d’exception. Le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire, qui permet au Premier ministre de jouir de pouvoirs exceptionnels, est toujours en vigueur jusqu’au 31 juillet 2022. Et nombre de territoires d’Outre-mer restent sous l’empire de l’état d’urgence sanitaire. »

Ce jour ne marque donc pas la fin de notre Observatoire des Libertés Confinées, dont l’activité se poursuivra au moins jusqu’au 31 juillet 2022, date de sortie du régime transitoire post-état d’urgence. Il sera alors temps de faire le bilan, si l’évolution de la pandémie nous le permet, des libertés toujours restreintes, de celles retrouvées et de celles définitivement perdues. Plus que jamais, GenerationLibre reste fidèle à sa mission de vigie des droits et libertés fondamentales.


Pour consulter notre Observatoire des Libertés Confinées, cliquer ICI.

Pour lire notre note « Années de vie gagnées, années de vie perdues : une analyse coûts-bénéfices des confinements », cliquer ICI.

Pour lire notre note « La proportionnalité du passe sanitaire en question – Arguments philosophiques, juridiques et sanitaires », cliquer ICI.

 

 

Publié le 14/03/2022.

[Lu ailleurs] Le néolibéralisme est un fantasme – Guillaume Bazot

Dans Le Point, la journaliste Laetitia Strauch-Bonart propose une recension du nouvel ouvrage de Guillaume Bazot « L’Épouvantail néolibéral, un mal très français ». 

 

Alors que le néolibéralisme est sous le feu des accusations, Guillaume Bazot, économiste, argue qu’au contraire rien ne permet d’établir un lien de cause à effet entre la libéralisation économique et la régression sociale. Le maître de conférences à l’université de Paris 8 dénonce le lyssenkisme ambiant des travaux actuels sur le néolibéralisme qui s’évertuent à lui imputer tous les maux.

« Rien ne permet d’établir un lien de cause à effet indiscutable et définitif entre libéralisation économique et régression sociale. »

L’ouvrage de Guillaume Bazot s’attaque à plusieurs biais d’analyse. La rédactrice en chef du Point rapproche ce travail de l’analyse de Kevin Brookes, chercheur associé chez GenerationLibre et ex-directeur de notre pôle études, « Why Neo-Liberalism Failed in France : Political Sociology of the Spread of Neo-liberal Ideas in France (1974-2012) », qui démontre que les politiques publiques françaises sont restées imperméables à l’idéologie néolibérale.

« L’idée de régression sociale n’est pas plus fondée empiriquement qu’elle ne l’est théoriquement. »

Contre intuitif et emblématique : les revenus après impôts et transferts des 50% des Français les moins aisés sont ceux qui connaissent la plus grande augmentation depuis les années 1990 et même depuis 2008. De même, la taxation des hauts revenus français servant aux politiques de redistribution est supérieure en 2018 à ce qu’elle était en 2010 et en 1990. En outre, l’analyse et la mesure des inégalités par la part des revenus des 1% ou des 10% les plus élevés s’avère inadéquat pour rendre compte de la pauvreté puisque cet indicateur est mesuré avant les effets correctifs impulsés par l’État.

Pour l’économiste, les effets de loupe relèvent souvent d’un phénomène de « cherry-picking » : la sélection orientée de données statistiques qui masquent l’action des politiques étatiques pour se concentrer sur l’augmentation des inégalités sociales.

Sans nier le mécontentement des classes moyennes et classes populaires, Guillaume Bazot balaye d’un revers de main l’idée que celui-ci soit lié à des politiques néolibérales. Les raisons de ce mécontentement trouveraient leurs causes dans des facteurs culturels et politiques.


Pour lire l’article du Point « Le fantasme néoliberal », cliquer ICI.

 

 

Publié le 11/03/2022.

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