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Face à la liberté d’expression, l’éducation !

Face à la liberté d’expression, l’éducation !

S’il faut préserver une liberté d’expression quasi-illimitée, il est crucial de nous sensibiliser à la formation de nos biais cognitifs. Dans Le Point, notre responsable des études, Baptiste Gauthey, et la doctorante en histoire comtemporaine, Madeleine Rouot, analysent le rachat de Twitter par Musk à la lumière des travaux de John Stuart Mill et de Gérald Bronner. 

 

Peut-on tout dire ? La liberté d’expression est elle absolue ? Les agitations autour du rachat de Twitter par Elon musk reposent l’insoluble question morale de l’acceptable et du dicible dans la société. À l’aide de la pensée du philosophe John Stuart Mill, les deux doctorants plongent dans les méandres de la liberté d’expression.

Le philosophe anglais du XIX siècle figure parmi les premiers à avoir théorisé l’avènement d’un régime de “l’opinion publique” dans lequel l’individu éclairé, atomisé par la masse, cesserait d’influer sur le collectif pour se diluer en son sein au risque de s’y corrompre. À l’aide d’une métaphore tantôt bucolique, tantôt urbaine, Mill démontre l’effet pervers qui guette une liberté d’expression soumise à la massification de la société. Dans un petit village, un individu peu soumis à la concurrence prospérera sur son honnêteté afin de fidéliser sa clientèle et d’assurer sa réputation. Plongé dans une grande ville, ce même individu sera plus aisément tenté de recourir à la tromperie et à la manipulation pour se distinguer de ses concurrents et gagner en visibilité. Il en va de même pour un marché de l’information ultra concurrentiel assujetti à une temporalité de l’immédiat qui privilégie la rapidité et la quantité à la maturation et à la qualité. Ne dit-on pas, à juste titre, qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ?

« John Stuart Mill fut l’un des plus grands défenseurs d’une liberté d’expression quasi illimitée qui, selon lui, était la meilleure manière d’atteindre la vérité grâce à la confrontation permanente avec l’erreur. En revanche, il insista longuement sur l’importance de l’éducation et sur la nécessité de développer en amont un sens critique fort dès le plus jeune âge. »

Ainsi, les figures morales et sociales qui autrefois pouvaient se targuer, par la position qu’elles occupaient dans la société, d’être des boussoles intellectuelles capables de déjouer les embûches de la désinformation, sont désormais reléguées et discréditées par les trolls et les bots diffuseurs de contrevérités. Comme le rappelle Baptiste et Madeleine : le sociologue Gérald Bronner, en charge d’une commission visant à expliquer les ressorts de la désinformation en ligne, a bien nommé la chose en décrivant notre époque comme étant celle de “l’empire des croyances”.

“En agissant sur la façon dont les citoyens reçoivent et traitent l’information, on agit indirectement sur la structuration de l’offre et de la demande, on limite les défaillances du « marché de l’information » et on redonne à l’individu les moyens d’exercer pleinement sa souveraineté.”

La censure n’a cependant jamais été une option pour John Stuart Mill. Alors comment concilier la liberté d’expression avec ses aspérités négatives ? L’une des solutions réside dans l’éducation que l’on donne aux individus. Il est une chose d’asséner des vérités aux écoliers, il en est une autre de leur expliquer le protocole et les controverses scientifiques qui ont permis de les mettre au jour avant qu’elles ne fassent consensus dans la communauté scientifique. C’est un packaging globale qu’il faudrait enseigner, de la formation de nos biais cognitifs aux techniques rhétoriques :  tout ce qui doit nous conduire à la formation d’esprits libres capables de trier l’information !


Pour lire la tribune dans Le Point, cliquer ICI.

 

Publié le 14/05/2022.

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