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Contre l’autoritarisme présidentiel, réhabiliter la délibération parlementaire

Contre l’autoritarisme présidentiel, réhabiliter la délibération parlementaire

Interrogé par Le Figaro à l’occasion de la sortie de notre recueil « Déprésidentialiser la Ve République », notre responsable des études, Baptiste Gauthey, invite à repenser notre rapport au politique afin de démocratiser nos institutions. 

 

De quoi l’hyperprésidentialisme de la Ve République est-il le nom ? Pour Baptiste, trois phénomènes entrecroisés permettent de l’expliquer. À la verticalité et à la centralité du pouvoir qui caractérisent la pratique politique en France s’adjoignent la focalisation des attentes sur l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et l’interprétation faite de la Constitution par les présidents de la République depuis 1958 qui les a conduits à accroître leur pouvoir de façon excessive.

S’il juge la question institutionnelle décisive et centrale, il constate en revanche qu’elle ne se suffit pas à elle seule pour expliquer les maux de notre démocratie représentative. Baptiste estime que les tribulations démocratiques françaises trouvent leurs origines dans notre culture et dans nos mœurs politiques. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder ce paradoxe français qui consiste à penser le personnel politique en situation de pouvoir comme capable d’agir sur tous les domaines de la vie tout en affichant une énorme défiance à son égard. Cette attente exorbitante produit inexorablement de la déception vis-à-vis des gouvernants. Faute de contre-pouvoirs législatifs suffisamment forts, la contestation populaire s’exprime dans la rue et aboutit à des blocages politiques dont notre démocratie ne ressort pas grandie. Un rééquilibrage institutionnel des pouvoirs entre les parlementaires et l’exécutif permettrait aux députés de devenir les catalyseurs des tensions politiques du pays qui s’exprimeraient ainsi pacifiquement dans l’Hémicycle.

« Une des solutions serait de rétablir l’équilibre au sein des institutions pour que les députés jouent leur rôle de contre-pouvoirs, que la démocratie soit plus fonctionnelle et puisse créer du compromis à travers la confrontation pacifique d’intérêts et de conceptions du monde divergentes. »

En outre, le Président de la République doit retrouver sa fonction initiale de chef d’État. « Au-dessus de la mêlée », le Président ne doit en rien se muer en chef du gouvernement, s’occuper des affaires courantes du pays et s’arroger le panel de prérogatives réservées au Premier ministre. Quant au Parlement, il lui faut sortir de son sommeil législatif. Le texte écrit par Corentin Poyet – docteur en science politique – montre que notre Assemblée nationale est l’une des plus faibles des démocraties occidentales. Seuls 11% des amendements déposés sont adoptés dont 84% de ceux qui proviennent directement du gouvernement. La discipline de parti et la fidélité du groupe majoritaire au gouvernement bloquent toute recherche de compromis pluri-partisans. Pourtant, le texte écrit par Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des sceaux et parlementaire, recense les possibilités réglementaires qui existent en l’état pour sortir de ce marasme législatif. En sus, notre recueil propose des ajustements afin de revaloriser le rôle des parlementaires : supprimer le 49.3, confier à l’opposition la présidence de la commission des Affaires sociales, donner aux parlementaires une plus grande maîtrise de l’ordre du jour, etc.

« Revenir au suffrage universel indirect permettrait de revenir à un système partisan plus équilibré dans lequel le vote ne porte pas sur une personnalité mais sur un programme, une philosophie, une vision de la France portée par un parti politique au sein duquel doivent s’arbitrer et se former des compromis. »

Si notre recueil propose d’en finir avec l’élection du Président au suffrage universel direct et de limiter ses pouvoirs, Baptiste reconnaît néanmoins l’attachement des Français à la figure du chef. L’historiographie politique française n’est pas étrangère à ce phénomène. Les figures autoritaires sont associées dans l’imaginaire collectif à des périodes de puissance et de grandeur nationale. À contrario, la IIIe République et la IVe République qui se caractérisent par la prédominance du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif, sont présentées comme instables et fébriles devant les crises. Pour Baptiste, la force de pénétration de ce récit historique, pourtant constestable, dans nos consciences politiques explique en partie ce « déficit culturel démocratique, qui se matérialise par un attachement à un pouvoir exécutif fort et une absence de culture du compromis ».


Pour lire l’entretien de Baptiste dans Le Figaro, cliquer ICI.

Pour lire notre recueil « Déprésidentialiser la Ve République », cliquer ICI.

 

Publié le 15/06/2022.

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